jeudi, mars 14, 2024

Charles V (Françoise Autrand)

Les échos contemporains de la biographie de Charles V paraissent étonnants au premier abord, pourtant, c'est tout simple : les Français des années 1960 défont, méthodiquement, avec acharnement, ce qu'ont bâti les Français des années 1360. Jugez en.

Contexte général

Les 4 millions d'Anglais peuvent faire la guerre aux 20 millions de Français parce qu'ils sont entrés dans une ère pré-capitaliste qui leur permet d'entretenir leurs célèbres archers.

Le père et le fils

Quelquefois, les pères éduquent les fils par le contre-exemple qu'ils leur donnent.

Jean II, dit à tort le Bon parce qu'il a été fait prisonnier par les Anglais à Poitiers, est émotif, fragile, colérique, brutal et secret. Son fils, Charles V, né 1338, s'efforcera d'être tout le contraire : pondéré, ouvert et lisible.

La France est soumise à deux fléaux :

1) la guerre de Cent ans, les « chevauchées » anglaises qui ravagent le royaume, suite au règne désastreux de Philippe le Bel et à ses conséquences.

2) le manque d'unité du royaume et les « compagnies » de mercenaires.

Les « chevauchées »

Les « chevauchées » sont des raids de pillage lancés à partir des possessions anglaises en France, Calais et la Guyenne.

La réponse militaire est évidente : s'enfermer dans les villes et attendre que ça passe, parce que l'armée française n'a pas de riposte aux redoutables archers anglais.

Mais, politiquement, c'est désastreux : le roi donne l'impression d'abandonner son peuple.

Alors, de temps en temps, le roi va combattre les Rosbifs et ce sont les désastres de Crécy, de Poitiers et d'Azincourt. Le problème ne sera complètement résolu qu'au temps de Charles VII et de Jeanne d'Arc, par l'artillerie des frères Bureau (évidemment, arc contre canon, ça marche moins bien). Mais c'est bien Charles V qui commence à investir dans l'artillerie.

Charles, présent à 18 ans à Poitiers et traumatisé, prendra la contre-pied de son père et dira que « le plat pays ne vaut pas de perdre le roi et ses chevaliers », décision dure mais judicieuse. Cette tactique réussit politiquement : en 1360, Edouard III, fou de rage, passe du pillage à la politique de la terre brûlée, s'aliénant la population. La conscience française  s'élabore.

Le manque d'unité du royaume

Une lecture rétrospective fait du parti royal le bon parti et des autres partis des partis de la trahison.

En réalité, le parti royal n'est qu'un parti comme les autres et le comportement secret de Jean II aggrave considérablement les divisions. Ainsi, on ne sait toujours pas aujourd'hui pourquoi il a fait emprisonner Charles de Navarre. On se doute bien, mais il n'y a pas de déclaration royale nette, factuelle et juste.

Là encore, Charles V fera l'inverse : ses décisions seront expliquées et compréhensibles par tous.

Les « grandes compagnies » et le consentement à l'impôt

Les « compagnies » sont des bandes de gens d'armes qui écument le pays, pillant et rançonnant.« Des brutes nées de la guerre», comme dit Maurice Biraud dans Un taxi pour Tobrouk.

C'est un fonctionnement mafieux, ce qu'on appelle aujourd'hui « le crime organisé » : elles mettent une région, qui constitue leur territoire, en coupe réglée. Leurs chefs ont des noms, surnoms, pittoresques : l'Archiprêtre, Messire Gaillard Vigier, le Bâtard de Breteuil, Naudon de Bagerand, etc. (oui, ce ne sont pas des Mouloud et des Roms).

Le roi Jean II, décidément néfaste à tous égards, recourt à la facilité de les recruter épisodiquement pour sa guerre contre les Anglais. Il ne peut donc en même temps les combattre.

Avec son fils, tout change : comme de Gaulle à la Libération, son obsession est « L'ordre, l'ordre, l'ordre ».

Le déroulement est à peu près toujours le même : les juristes du roi émettent les mandements, quelques chevaliers tombent d'accord pour attaquer une compagnie retranchée dans un château. Les paysans du coin prêtent main forte. Tous les compagnons sont décapités (Badinter, si, en Enfer, tu nous entends ...).

Il y a des variantes rigolotes : à Beauvoir, les compagnons font un feu permanent dans les fossés, où ils jettent leurs victimes qui n'avouent pas assez vite où est caché le magot. Bien évidemment, ils y sont tous jetés à la capture de leur repaire, sauf le chef qui a l'honneur de « monter » à Paris pour y être décapité. Ce qui « moult réjouit le pays ».

Dans cette collusion de la justice royale, des nobles et des paysans contre les compagnies, nait le consentement à l'impôt : les institutions font leur travail, il est juste de les payer. Sans cela, l'impôt n'est qu'un vol légal.

Est-ce utile que j'insiste ? Le consentement à l'impôt lié au rétablissement de l'ordre intérieur et de la prompte et droite justice ? Hé, oh, 2024 ? Quand les institutions trahissent, l'impôt est un vol légal ...

La souveraineté

Le roi Jean II, prisonnier à Bordeaux puis à Londres, est prêt à tout lâcher pour recouvrer la liberté.

C'est le « honteux traité de Brétigny » (Brétigny, un hameau près de Chartres). Il y aura, du temps de son petits-fils fou, le « honteux traité de Troyes ».

Guyenne, Bretagne, Bourgogne, Flandres : Jean II cède partout. La France est menacée d'être réduite à l'Ile-de-France.

Mais, autour de son fils, une équipe fidèle ne l'entend pas de cette oreille. Le décès inattendu, à 44 ans, de Jean II en 1364 est une véritable libération pour la France, et spécialement pour les hommes du nouveau roi.

Ils mettent en avant une notion que les légistes raffinent depuis quelques années : la souveraineté.

Les nobles sont maitres sur leurs terres, mais seul le roi est souverain. Cela se traduit très concrètement : dans le royaume, la cour d'appel suprême, c'est la justice du roi, autrement dit le parlement de Paris. Tout justiciable de France peut faire appel à Paris. Rien n'est au-dessus de la justice du roi, à part Dieu (il n'y a pas de CEDH, de CJUE et autres machins).

Au fait, en parlant de souveraineté : le Franc, que les Français ont sacrifié en 1992 sur l'autel de l'idéologie européiste, est émis en 1361 au titre de 3,88 g d'or fin pour payer la rançon de Jean II.

Au cours actuel de l'or, ce Franc vaudrait 280 € et non pas sa valeur de 0,152449 € à sa disparition en 2002. Donc, grâce à l'excellente gestion de nos princes, notamment après notre glorieuse révolution, la valeur du Franc a été divisée par 1 836 (je vous épargne les chiffres près la virgule) en 641 ans, soit une perte linéaire de valeur (magie de la fonction puissance) de 1,16 % par an.

Le roi exerce aussi sa souveraineté par l'impôt. Il y a des impôts locaux, mais le roi reste le plus gros collecteur et le plus gros redistributeur (rien à voir avec les taux d'imposition et de redistribution modernes, on est à quelques %).

La guerre

La guerre de reconquête, Charles V la fait à sa manière originale.

D'abord, il met trois ans à la déclencher. Chaque étape de la décision est rendue publique. Même les très renommés juristes de l'université de Bologne sont consultés. Les Anglais sont exaspérés, il le surnomme le « royal attorney ».

Froissart, dans ses chroniques, rapporte :

« Lors les barons anglais dirent à Édouard que le roi de France était un sage et excellent prince, et de bon conseil. Jean de Gand, le duc de Lancastre, fils du roi Édouard, s'empourpra et lança avec mépris :

— Comment ? Ce n'est qu'un avocat !

Lorsque le roi Charles le Cinquième apprit ces paroles, il rit, et déclara d'une voix joyeuse :

— Soit ! Si je suis un avocat, je leur bâtirai un procès dont ils regretteront la sentence ! »

C'est un coup de maitre politique : quand il réunit les 9 et 11 mai 1369 ses états généraux à Paris pour le conseiller sur le fait de la guerre ou de la paix (« Dans ce qui concerne tous, tous doivent prendre part à la décision »), l'opinion est prête, le roi a toute la France derrière lui.

Charles V étonne ses contemporains. Il fait la guerre sans quitter sa bibliothèque. Mais il gagne.

La lutte contre les compagnies a été l'occasion de mettre en place un impôt permanent, de réorganiser l'armée et de repérer les chefs de qualité.

Il a compris la leçon de Crécy et de Poitiers. Pas de grandes batailles rangées où la supériorité anglaise peut s'exprimer. Il fait une guerre de siège, à l'économie, reconquérant les places fortes les unes après les autres.

Les vins de Bordeaux sont très appréciés à Londres, mais le parlement anglais rechigne à financer cette guerre, malgré tout, lointaine.

C'est extrêmement facile de reconnaître un grand roi de France : il se préoccupe de la marine. Il n'y a pas d'exception à cette règle.Tous les rois qui comprennent que la France est mi-terre mi-mer, et pas seulement un grand territoire agricole, que la grandeur de la France, ce n'est pas seulement d'avoir plus de terres, sont de grands rois.

Si cet abruti de François 1er avait mis autant d'énergie à conquérir l'Amérique qu'à conquérir l'Italie, le destin du monde en eut été changé.

Le 23 juin 1372, la flotte anglaise est défaite devant La Rochelle par la flotte castillane alliée de la France (un jeu intelligent sur la marée). Les liaisons entre l'Angleterre et la Guyenne deviennent beaucoup plus difficiles.

En 1373, les Anglais tentent ce qu'ils savent faire : une chevauchée à travers la France, en partant de Calais pour rejoindre la Guyenne. Celle-ci est dévastatrice.

Mais, à nouvelle équipe, nouvelles méthodes. Du Guesclin n'essaye pas de s'y opposer, il se contente de la suivre, l'empêchant de se retourner, l'obligeant à aller droit devant elle. Les chevaux s'épuisent, les hommes désertent. Malgré les destructions, cette chevauchée est un succès pour les Français.

En 1375, trêve de Bruges pour deux ans.

1577, reprise de la guerre.

Pour la première fois depuis bien longtemps (bataille de l'Ecluse, défaite française, juin 1340), la marine française, réorganisée, peut effectuer des raids sur les côtes anglaises. Londres est plusieurs fois mise en état d'alerte. Ca n'est pas très utile, mais ça fait toujours plaisir.

En 1378, Charles de Navarre (surnommé de manière exagérée par les historiens Charles le Mauvais) tente un complot contre Charles V. La tentative de régicide étant établie, la réplique du roi de France est foudroyante : toutes ses possessions du nord de la France sont attaquées, conquises et confisquées.

A la mort de Charles V, seuls restent anglais : Calais, un territoire autour de Brest et une bande parallèle à côte, entre Bordeaux et Bayonne.

Des serviteurs fidèles

Comme tous les vrais grands hommes, il sait attirer, reconnaitre et promouvoir les talents : Jean de Dormans. La rue de Jean Beauvais, à Pairs, porte son nom. Nul doute qu'Anne Hidalgo va la débaptiser au profit d'un(e) anormal(e).

Jean de la Grange, Bureau de la Rivière etc.

Certains de ces hommes sont visibles à la cathédrale d'Amiens (en face le magasin de Jean-Michel Trogneux), où leurs sculptures, placées haut, n'ont pas été atteintes par les vandales de notre glorieuse révolution.

Il y a dans cette équipe des tensions intellectuelles, ça discute beaucoup et ça s'oppose sur les sujets de la monarchie, de la souveraineté et de la décentralisation (quand je vous dis que c'est très actuel ...). Mais la personnalité de Charles V (charismatique, comme on dirait aujourd'hui) tient ce petit monde ensemble.

Par exemple, il y a un conflit grandissant entre les juridictions royales et les juridictions ecclésiastiques.

Charles V, au lieu de passer en force comme son père ou Philippe Le Bel, agit tout en finesse : il fait publier Le songe du vergier (cet ouvrage restera un gros succès de libraire pendant tout l'Ancien Régime) qui expose les arguments des deux parties dans un élégant dialogue. L'autorité royale attachée à cet ouvrage de qualité suffit à rabattre certaines prétentions ecclésiastiques excessives.

Charles V était fortement opposé à la persécution des juifs, que lui demandaient ses conseillers. Et il justifiait sa protection par des raisons théologiques.

Ah, si cet exemple royal pouvait faire taire les salauds islamophiles et judéophobes à la Soral-Meyssan-Hindi, se moquant du « judéo-christianisme » de manière obsessionnelle, que certains imbéciles prétendument patriotes promeuvent un peu trop ... Etre férocement hostile au moustique et tout indulgence pour l'éléphant, voilà un sommet de courage et d'intelligence qui dépasse mes pauvres capacités.

L'équipe de Charles V, connue sous le nom de Marmousets, a tenté un retour sous Charles VI, mais leur échec montre bien l'importance de Charles V dans ce dispositif.

Enfin, les fidèles de Charles V ont fait dire des messes, certains quotidiennement, pour le repos de l'âme de leur feu roi jusqu'à leur mort. Signe qui ne trompe pas.

Une mort prématurée pour la France

Charles V, très affecté par la décès de son épouse en couches (comme quoi les mariages arrangés peuvent devenir des mariages d'amour), meurt à 42 ans, d'une crise cardiaque provoquée par la goutte qu'il traine depuis l'adolescence (les rois de France sont les anti-vegans par excellence : ils ne mangent presque de la viande. Les légumes, « les racines », sont réservés aux paysans).

Son fils, Charles VI, est mineur et, de toute façon, il deviendra fou. C'est une catastrophe pour la France que Charles V n'ait pas vécu dix ans de plus.

Charles V est attentif à l'apparat, il ne se serait pas présenté comme un « roi normal », contrairement à un certain socialiste batave.

Conformément à ses goûts studieux, il est l'origine de la Bibliothèque Nationale.

Ce n'est vraiment pas à tort qu'il fut surnommé « le sage ». Il fut un modèle de gouvernement.

Prière de Charles V pour bien gouverner

 Nous possédons un document exceptionnel : le livre de prières de Charles V recopié par un de ses proches.

Ce n'est pas un missel, qui déroule calendrier liturgique, mais un bréviaire, où l'on note des prières.

Le roi dit ses prières in hac nocte et matutinis, dans la nuit et au petit matin. Facile de l'imaginer, priant dans la tranquillité du jour qui va se lever, avant que ne pèse sur ses épaules la responsabilité du royaume de France.

Voici la prière pour bien gouverner de Charles V, qu'il disait en français :

« Je proteste que je ne suis digne d'avoir un tel honneur que vous m'avez fait de me constituer et ordonner roi de ce vôtre royaume très chrétien et de me donner la justice et le gouvernement du peuple qui y est.

C'est pourquoi je vous prie de me donner sens et entendement et connaissance afin je m'y puisse conduire si sagement et si justement que j'en puisse acquérir votre grâce, amour et bienveillance et paradis, en me donnant toujours force et puissance de résister contre vos ennemis et les ennemis de moi et de mon royaume que vous m'avez donné à garder et de traiter avec mes ennemis en bonne paix et concorde venant de vous. »


lundi, février 12, 2024

La Wehrmacht : la fin d'un mythe (sous la direction de Jean Lopez)

« Sous la direction de Jean Lopez » et non « de Jean Lopez ».

Je vais faire court, mais je vous incite à lire (si l'histoire vous intéresse) cet ensemble de contributions.

En résumé, l'excellence tactique de l'armée allemande dissimule aux yeux des mal informés la nullité stratégique abyssale des Allemands qui leur a coûté deux guerres mondiales. Rengaine qui ne surprend pas mes fidèles lecteurs.

De 1914 à 1945, les Allemands n'ont pas décollé de Bonaparte et de Clausewitz, la recherche de la bataille décisive, le plus souvent, une bataille d'encerclement.

Pendant ce temps, les Russes, les Américains (les Français aussi, oui) sont passés à autre chose.

Dès les années 20, les Russes, les plus novateurs, théorisent qu'il n'y a pas de victoire décisive entre grandes nations industrialisées (c'était le fond, pas idiot, de « Nous vaincrons parce que nous sommes les plus forts »).

A cet égard, la bataille de France de 1940 est un leurre. Si toute l'armée française avait reculé au lieu de se jeter dans le piège belge, les Allemands se seraient retrouvés comme des couillons. Surtout, ce n'est pas une victoire militaire mais politique : si le gouvernement français avait décidé de continuer la guerre en juin 1940, les Allemands n'avaient aucune stratégie de rechange à la victoire éclair.

Cette ineptitude stratégique est flagrante dans la politique d'armement. Les Allemands produisent des matériels excellents, bien connus des amateurs, mais inadaptés à la guerre en cours. Quand Staline donne un de ses rares ordres sensés « Concevez des matériels seulement bons, mais faciles à produire », il a mieux compris la guerre en cours que les condescendants brevetés d'état-major prussiens.

L'article sur la guerre sous-marine est très instructif. La bataille de l'Atlantique a empêché Churchill de dormir mais n'a jamais sérieusement menacé la Grande-Bretagne, il y aurait fallu un effort allemand beaucoup plus ordonné et persévérant, bref une vision stratégique.

Je rappelle (fait peu connu du grand public) que les seuls sous-marins ayant joué un rôle décisif dans la seconde guerre mondiale sont ceux, à long rayon d'action, de l'US Navy, qui ont asphyxié économiquement le Japon, avant que les B29 prennent le relais.

Bons en tactique, nuls en stratégie, c'est valable aujourd'hui. Pour les Allemands, quand il s'agit de tuer la France avec la complicité des traîtres qui nous gouvernent, ça va. Quand il s'agit de retrouver sa souveraineté face à Washington, il n'y a plus personne.

L'Allemagne ne m'impressionne pas (litote).

vendredi, janvier 26, 2024

Le retour d'Hitler ? (Alain Chauvet)

L'auteur a des parents communistes et, même s'il les renie politiquement, ça se sent.

En 2015 (date de publication de cet ouvrage), il croit que la menace fasciste, c'est ... Marine Le Pen !

Manque de discernement risible.

J'ai écrit que, à son élection (2012), François Hollande me faisait peur, que ces petits hommes gris, qu'aucune humanité ne retient, étaient les vrais dangers pour la démocratie. Jugement largement confirmé par la suite. Ce n'était pas sorcier.

Cette naïveté de l'auteur est dommage, car c'est l'un des rares a avoir lu Mein Kampf et compris l'intelligence maléfique d'Hitler.

L'auteur raisonne faux car il ne maitrise absolument pas son sujet. Il s'en tient aux mensonges contemporains, ce qui, bien sûr, biaise totalement sa réflexion.

Par exemple, il écrit que les Français furent presque tous pétainistes, en négligeant le fait principal, massif : l'opinion publique a évolué tout au long de la guerre et, dès la fin de 1940, le pétainisme en avait pris un sérieux coup sur la cafetière.

Autre exemple, d'après l'auteur, les Français et les Allemands furent également judéophobes. La fausseté de cette affirmation est aisément démontrable. En France, les persécutions des juifs soulevèrent l'hostilité de la population (les rapports de préfet en font foi) et provoquèrent une vaste solidarité spontanée. Ce ne fut pas le cas en Allemagne.

Ou encore que la majorité des Français a activement collaboré avec l'occupant, ce qui est faux (ne serait-ce que parce que la majorité des Français avaient autre chose à foutre).

L'auteur pousse l'ignominie jusqu'à mettre un signe d'équivalence entre la persécution des juifs et l'expulsion des immigrés illégaux.

A partir de là, la sulfateuse à conneries débite à jet continu : le colonialisme comme matrice du totalitarisme, le populisme comme grave danger ...

Bref, malgré quelques réflexions intéressantes par ci par là (pompées sur Hannah Arendt), ce livre est un tissu d'âneries, parce que l'auteur n'a pas assez travaillé et pense faux (double crime).

Afuera ! (C'est comme ça qu'on dit maintenant, non ?)

dimanche, janvier 21, 2024

A propos de la révolte des paysans.

 L'actuelle (janvier 2024) révolte des paysans est vouée à l'échec.

Entre la trahison des syndicats paysans, les coups de LBD dans la gueule et la répression médiatico-judiciaire, ils n'ont aucune chance. Le gouverne-ment temporisera sans faiblir sur le fond, distribuera quelques cacachuètes et ç'en sera fini.

Ca fait bien longtemps qu'ils ont accepté de devenir des agriculteurs, c'est-à-dire des gens soumis à la folle logique économique et bureaucratique. Ils se révoltent de risquer la noyade alors qu'ils ont sauté du bateau (un peu poussés, il est vrai) il y a déjà une paye.

Et, fondamentalement, ils sont en révolte (inconsciente chez beaucoup mais tout de même consciente chez quelques uns) contre le nihilisme des Français, qui rêvent d'un monde hédoniste, narcissique, de purs esprits flottant dans l'air, sans attaches ni devoirs d'aucune sorte, tout le contraire de la terre nourricière.

Le nihilisme est totalement déchainé dans la bourgeoise urbaine mondialisée, mais le reste des Français aimeraient bien aussi, seule leur condition servile les en empêche, leur rappelant trop fréquemment qu'ils ne sont pas de purs esprits.

Le livre Le cheval d'orgueil est un utile rappel que ce qui a tué la paysannerie français, c'est la modernité. La mère d'Heliaz, paysanne née dans les années 1890, a fini sa vie emboiteuse à l'usine de pâtés Hénaff, parce que cela rapportait plus et était beaucoup moins pénible que de trimer aux champs. Et d'ailleurs, transmettre des champs à qui, puisque tous ses enfants étaient partis à la ville ?

Bien sûr, le christianisme, intimement lié à notre humanité, disparait quand nous nous déshumanisons (et réciproquement : nous nous déhumanisons parce qu'il disparait).

Ce que la révolte paysanne, après les Gilets Jaunes, nous montre, c'est que les Français, dans leur grande majorité, sont mûrs pour le grand abattoir transhumaniste.

Oh, rassurez vous, sans trop de violences, Hitler et Staline étaient bêtement impatients. D'un côté, le blob décourage les Français de faire des enfants par tous les moyens et les acculture complètement (il n'y a qu'à voir le désastre des prénoms) ; de l'autre, le blob les fait « mourir dans la dignité », tout en poussant à fond l'invasion migratoire. Dans 50 ans, le peuple français sera de l'histoire ancienne (c'est déjà le cas dans l'esprit, il ne reste plus qu'à faire la même chose dans la chair).

Du trio indo-européen, le soldat, le prêtre, le paysan, il ne reste absolument rien. Juste des abrutis devant leur télévision, prêts à être menés à l'abattoir par d'autres abrutis devant leur télévision, mais qu'un hasard facétieux a placés en haut de la pyramide.

Alors, que pouvons nous espérer de cette ultime jacquerie avant liquidation ? Qu'elle sauve quelques îlots d'humanité qui feront dire à nos rares descendants qu'il y avait dix justes dans Sodome. Ca sera déjà une belle réussite.

Ainsi prennent fin 3000 ans de peuplement gaulois en France.

Mais, ne désespérez pas, une civilisation aussi flamboyante que la nôtre (nous n'étions pas des traine-savates africains) ne disparait pas sans inspirer des âmes d'élites. Tout le monde ne peut se satisfaire de la longue nuit de l'islam ou de la robotisation. Quoi qu'il arrive, ce que nous avons, fait, ce que nous faisons, sera source d'ardeurs nouvelles.

lundi, janvier 15, 2024

Le christianisme est crédible (Jean-Marie de Blignières)

Remarque préliminaire : il existe une édition de cet ouvrage avec un point d'interrogation tout à fait superflu dans le titre.

_______________

Bien que n'ayant que marginalement besoin d'être convaincu, il m'arrive de lire de l'apologétique pour le plaisir (l'apologétique est un champ d'études théologique ou littéraire consistant à défendre de façon cohérente, rationnelle, une position).

Attaquons.

Les Evangiles sont ce qu'ils prétendent être.

Ces 150 dernières années, a eu lieu une véritable révolution archéologique et exégétique.

Plus personne de sérieux (donc pas Michel Onfray) ne conteste que les Evangiles sont ce qu'ils prétendent être : les récits de disciples d'un prophète juif nommé Jésus, qui a vécu et a été mis en croix, au premier siècle de notre ère.

 La thèse mythiste (Jésus n'a pas existé, c'est un mythe compilé des prophéties de l'Ancien Testament) ne peut plus être soutenue que par des ignorants et par des escrocs (Michel Onfray est probablement les deux) : trop de détails du quotidien ont été vérifiés depuis un siècle et demi.

Par exemple, la piscine aux cinq portiques de Bethesda où, d'après l'Evangile selon Saint Jean, Jésus guérit un paralytique, a été découverte en 1855. Auparavant, il y avait une glose pour interpréter symboliquement ces cinq portiques, alors que l'explication la plus simple était la meilleure : il y avait bien à Jerusalem une piscine à cinq portiques.

Nota : je ne suis pas d'accord avec l'opinion majoritaire qui fait de l'Evangile selon Saint Jean le plus tardif. Cela me semble confondre la mise en forme du récit et la mise par écrit. Mais je ne suis pas un expert, c'est juste un sentiment.

Le nom de Pilate a été trouvé sur un sceau en 1969.

On peut multiplier les exemples.

L'un des plus probants est la répartition statistique des prénoms dans les Evangiles qui correspond à celle des tombes qu'on a trouvées. C'est très difficilement falsifiable : essayez d'écrire un récit des années 1960 avec la bonne répartition des Jean-Luc et des Jean-Michel sans consulter une table de l'INSEE. Imaginez un évangéliste menteur se baladant dans les cimetières « Bon, je vais écrire des conneries mais il faut que j'ai la bonne répartition des prénoms ».

Globalement, plus la vie du premier siècle de notre ère nous est connue, plus elle colle aux Evangiles.

Un autre point qui écarte la thèse mythiste : la lourde insistance, précoce, dès les lettres de Saint Paul, sur la conservation intacte du témoignage, ne pas changer un mot. On ne connait cela pour aucun mythe identifié.

Bref, les Evangélistes sont sincères, ils racontent ce qu'ils ont vu ou cru voir (ou ce que leurs témoins - Saint Luc est le scribe de Saint Paul qui lui-même répète ce qu'il a entendu, Saint Marc celui de Saint Pierre- ont vu ou cru voir) de leur compagnonnage avec un prophète nommé Jésus. 

Mais, est-ce que Jésus est ce qu'il dit être, le Fils de Dieu, envoyé se sacrifier « pour nous les hommes et pour notre salut » ?

La preuve par les prophéties accomplies

Pour Blaise Pascal (qui avait oublié d'être con, je le rappelle pour ceux qui ignoreraient qui c'est), l'accomplissement par le Christ des prophéties de l'Ancien Testament était la preuve la plus forte de la divinité de Jésus.

Pour qu'une prophétie soit probante, il faut qu'elle ne soitpas  vague et interprétable à l'envi, façon prophétie d'horoscope.

Il faut aussi qu'elle ne soit pas auto-réalisatrice. Daniel a prophétisé le Messie dans « 70 semaines d'années », ce qui donne comme date le début de notre ère. On peut donc dire que Jésus accomplit la prophétie de Daniel. Mais on peut aussi dire que les juifs (qui avaient fait le calcul) attendaient si fort le Messie qu'ils ont pris le premier venu.

Une prophétie surprenante, qui s'éclaire une fois accomplie, que personne ne peut anticiper, est plus probante.

Si un prophète dit que, dans 150 ans et un jour, Dieu donnera un mega coup de tatanne vraiment transitionné dans la chetron d'Israël, personne ne comprend « transitionné » et si, 150 ans et un jour plus tard, le couple Manu et Jean-Mimi Macron fait une tournée de chant entre Jerusalem et Tel Aviv, la prophétie se réalise et s'éclaire de manière imprévisible et il est certain que le prophète prédisant cette catastrophe était inspiré par Dieu.

Or, une telle prophétie existe : celle du serviteur souffrant d'Isaïe. Incompréhensible par les juifs du premier siècle, elle devient limpide à la lecture des Evangiles. Et si celle-ci est la plus importante, il en est d'autres.

Les miracles

Si vous ne croyez pas que Dieu existe ou si vous croyez qu'il existe mais qu'il n'intervient pas dans sa création (dieu horloger), tout ce que je pourrai dire sur les miracles de Jésus ne vous touchera pas.

Ils sont tout à fait singuliers : ce ne sont pas des miracles de magicien, ils sont intimes (« Va et ne le dis à personne ») et démontrent la mission divine de Jésus (« Ta foi t'a sauvé »).

Cette singularité vaut d'être méditée.

Vous remarquerez que ces miracles font des conversions seulement chez ceux dont le cœur est prêt. Les autres n'en sont pas touchés.

La divine surprise

L'argument le plus fort, pour Saint Thomas d'Aquin et Blaise Pascal, est que les deux Testaments sont validés à la fois (l'Ancien fait une prophétie, le Nouveau l'accomplit, les deux sont vrais) mais d'une manière totalement inattendue, une surprise si radicale qu'elle ne peut être que d'origine divine.

Les juifs ont essayé d'imaginer le futur Messie, il y a eu plusieurs tendances mais pas une n'a imaginé quelque chose qui s'approcherait de Jésus (bon, d'accord, les juifs manquaient peut-être d'imagination : pas un n'a imaginé que le Messi serait 8 fois Ballon d'Or). Notez bien que cette originalité met à bas la thèse mythiste : si des menteurs avaient bâti d'eux-mêmes un mythe, ils ne l'auraient pas écrit comme cela (ou alors, ils auraient été super méga giga forts).

Il y a un avant et un après Jésus dans la manière d'envisager la religion, la relation avec Dieu.

René Girard fait partie de la longue liste de ceux qui ont travaillé sur cette rupture (je ne l'ai pas lu, dégoûté par un collègue un peu trop insistant).

Cette originalité est si problématique que des gens ont imaginé que le mystère de la jeunesse de Jésus (aucune information entre son enfance et sa période prophétique, soit un trou d'une vingtaine d'années bien tassées) résultait d'une initiation en Inde. Mais cela ne résout pas vraiment le problème.

La divine doctrine

Des malhonnêtes suivis par des ignorants disent que Jésus n'a voulu fonder ni une doctrine ni une Eglise.

C'est absolument faux.

« Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par Moi. » Comme affirmation doctrinaire, ça se pose un peu là !

Quant à l'Eglise, il y a trop de versets où Jésus organise les relations entre les apôtres et les envoie en mission pour qu'il y ait la moindre ambiguïté pour tout esprit honnête (mais la haine adolescente du Père, donc de son Eglise, fait dire beaucoup de conneries).

C'est pourquoi je confonds systématiquement catholicisme et christianisme puisque le catholicisme est le seul vrai christianisme (on peut discuter de l'orthodoxie).

Il y a un style Jésus singulier, mélange unique de simplicité et d'autorité (il est l'Autorité : « On vous a dit ... Moi je vous dis ... »).

La langue de Jésus est « tranchante comme un glaive ». Il parle net, sans bavures, sans fioritures. S'il veut faire comprendre une notion complexe, pas d'explications, une parabole.

La seule personne que je connaisse qui parle aussi net est Jeanne d'Arc. Pas étonnant que certains aient dit qu'elle parlait la langue qu'aurait parlé le Christ s'il s'était exprimé en français.

Une chose unique en Jésus, que ni Socrate, ni Bouddha, ni Confucius n'ont atteinte, c'est qu'il parle de la même manière aux humbles et aux savants. Saint Thomas d'Aquin peut remplir des bibliothèques entières mais la chaisière de sacristie comprend aussi à sa manière les paraboles.

Julien Gracq, athée mais grand styliste, a exécuté en quelques phrases quelqu'un qui prétendait à l'inexistence de Jésus (non, Michel Onfray, tu n'es pas le seul crétin du monde). Il jugeait que ne pas discerner ce style Jésus tout à fait personnel était une faute inexcusable contre l'intelligence.

La doctrine chrétienne est originale, à nulle autre pareille. Elle présente un Dieu qui enseigne l'amour.

L'affirmation « Vous m'appelez Maitre et Seigneur, et vous avez raison, car vraiment je le suis » vient au moment du lavement des pieds.

C'est une doctrine riche, infiniment riche, qui combine la rationalité, le dieu des philosophes (unique, créateur, tout-puissant) et les mystères sacrés.

L'auteur cite des musulmans convertis, notamment un converti par les discours de Bossuet. Évidemment, c'est un peu plus exaltant de s'interroger sur l'amour de Dieu que de discuter pendant des heures pour savoir si c'est haram d'entrer dans les chiottes du pied gauche ou de lire les sermons de Saint Bernard sur le Cantique des Cantiques plutôt que de s'interroger sur le nombre de baffes qu'on a le droit de flanquer à sa femme (je n'invente rien, vrais sujets de polémique chez les muzz).

Je comprends la tactique puérile des anti-catholiques, ces adolescents révoltés contre le Père, de se focaliser sur quelques points (« gna gna gna les Croisades, gna gna gna l'Inquisition, gnag gna gna les pédophiles (en fait, des pédérastes pour la plupart) » ...), car si, on considère le catholicisme dans son ensemble, on peut difficilement contester que c'est un chef d'œuvre.

On comprend l'importance pour les suppôts de Satan de déchristianiser la culture. Particulièrement frappant pendant la comédie covidiste, le nombre de gens qui ignoraient que la messe n'est pas qu'une prière collective, que la communion exige la présence des fidèles, qu'elle ne peut pas se faire par la télévision.

La perfection de la doctrine chrétienne est une preuve de son origine divine. Encore faut-il la connaitre suffisamment et être ouvert à ces choses.

La résurrection du Christ, preuve ultime ?

Les Evangiles témoignent que Jésus a annoncé sa mort et sa résurrection, que les pharisiens craignaient cette résurrection ou une escroquerie de résurrection et que Jésus est bien mort et ressuscité (ce sont évidemment ces deux derniers mots qui posent problème aux incroyants).

La fraude est peu probable, rien ne cadre avec cette hypothèse.

Reste la possible hallucination collective. En nos temps où nous allons de délires collectifs en délires collectifs, impossible de la rejeter d'un revers de main. Simplement, à l'époque, les moyens de manipulation des foules étaient moins perfectionnés qu'aujourd'hui.

La preuve de la résurrection su Christ est ailleurs :

1) dans le succès de l'Eglise à travers les siècles, qui est un signe d'assistance divine (comment une institution si mal gouvernée pourrait-elle survivre 20 siècles sans l'assistance de Dieu ?).

2) dans la complétude de la doctrine. Saint Paul dit « Si le Christ n'est pas ressuscité, notre foi est vide ». Mais on peut inverser : si on croit 99 % de la doctrine, pourquoi refuser de croire ce dernier % ? Si nous avons la foi, nous croyons aussi que la Christ est ressuscité. La doctrine chrétienne est est un tout insécable (d'où la notion d'hérésie, faute qui consiste à prendre seulement une partie).

Il faut la foi pour croire en la résurrection du Christ mais on peut au moins constater qu'elle fait partie d'un tout cohérent.

L'auto-témoignage de Jésus

Le message de Jésus, c'est Jésus lui-même.

« Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie. Nul ne vient au Père que par moi. »

« Toutes choses m'ont été données par mon Père, et personne ne connaît le Fils, si ce n'est le Père ; personne non plus ne connaît le Père, si ce n'est le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. »

« Je suis né et je suis venu au monde pour ceci : rendre témoignage à la Vérité. Quiconque est la Vérité écoute ma voix. »

Déclarations extraordinaires, sans précédent chez aucun prophète. Déclarations qui ne laissent aucune place aux demi-mesures : soit Jésus est fou à lier, soit il est ce qu'il dit.

Ceux (juifs, musulmans) qui le considèrent comme un simple prophète font le choix de se mentir en inventant une solution du juste milieu qui n'existe pas.

Un être moralement supérieur

Jésus se prétend sans péché. L'est-il vraiment ?

Après des siècles à scruter les Evangiles, la réponse est : on n'a trouvé, dans les Evangiles, aucune trace de péché en Jésus.

 Son mélange d'autorité, de force, de simplicité et de douceur (et même une pointe d'humour) est unique dans les grandes figures de l'humanité. Ni Bouddha, ni Socrate, ni Confucius n'arrivent à ce niveau de perfection morale.

Dans l'angoisse terrible de la Passion, pas une once de colère.

Le témoignage est important, puisque 99 % de ce que nous savons, nous le croyons par témoignage et non par expérience directe (ainsi, je crois que la vitesse de la lumière est 300 000 km/s parce qu'on me l'a dit, je n'ai pas vérifié moi-même).

« Sans la Grâce de Dieu, je ne suis rien. »

« Sans la Grâce de Dieu, je ne suis rien. » disait Jeanne d'Arc. Pour croire au Christ, même si tous les motifs de la raison convergent, il faut le petit (ou grand, suivant les personnalités) coup de pouce divin qu'on appelle la Grâce.Dans le catholicisme, le « croyant non pratiquant », ça n'existe pas, Un « croyant non pratiquant » est soit un hypocrite, soit un imbécile, voire les deux, mais, en tout cas, un non-croyant.

En effet, la messe n'est pas une simple prière en commun qu'on pourrait faire tout seul dans son coin. Par l'eucharistie et par la communion, est la répétition du divin sacrifice du Christ que seul un prêtre ordonné peut faire. La communion ne peut pas se faire à distance (certains incultes du gouvernement ne l'ont pas compris pendant le délire covidiste).

Que faire ?

Vous n'êtes pas baptisé ou vous êtes baptisé mais vous avez tout oublié (ou rien appris) du catéchisme, vous sentez un manque spirituel et le Christ vous attire? Que faire ?

Le plus simple est de vous rendre à l'église la plus proche, ou à celle qui vous attire (vous pouvez choisir l'église sur des critères esthétiques), et de rencontrer un prêtre.

Que lire ?

D'abord, que ne pas lire : le Nouveau Testament de but en blanc. Vous n'y comprendrez pas grand'chose et ferez des interprétations hasardeuses.

Commencez par le catéchisme de Saint pie X. C'est limpide.

Après, vous n'avez que l'embarras du choix.

Christian Bobin, si vous voulez faire dans le léger, limite mièvre.

Pascal et Bossuet si vous voulez faire dans le lourd.

Perceval le gallois si vous voulez faire dans l'original et le difficile.

Catholix reloaded est bien.

L'immense Chesterton, qui ne sera pas canonisé parce qu'il a dit un pouième de mal sur les juifs.

Saint François d'Assise, le saint de la modernité (trois siècles avant. J'exagère un peu).

Sainte Thérèse de Lisieux, la grande sainte de la post-modernité.

Sainte Jeanne d'Arc, ce météore au ciel de l'histoire de France.

Il y a aussi l'abbé Raffray qui fait des videos, mais je suis contre, pour une conversion à une religion qui insiste beaucoup sur l'intériorité, il écrit aussi des livres.

Mais vous n'êtes pas obligé de lire, vous pouvez aussi visiter les églises (les cathédrales en font partie !). Les pierres parlent.


samedi, janvier 13, 2024

Les rescapés et les naufragés, quarante ans après Auschwitz (Primo Levi)

Si c'est un homme est à mon avis le meilleur livre (de plus, écrit à chaud) sur les camps nazis. 

Quarante ans après, Primo Levi se livre à une réflexion de grande qualité.

Une réflexion très actuelle puisqu'il réfléchit à la responsabilité sous un régime totalitaire, ce qui est notre cas : notre Etat se donne bien comme objectif de contrôler tous les aspects de notre vie.

Les moyens sont moins violents que ceux des nazis pour des raisons techniques, mais la mentalité de nos bureaucrates est strictement identique, le délire covidiste en témoigne sans aucun doute possible.

Les réflexions de Primo Levi sont facilement transposables à 2024. C'est très inquiétant.

Il commence par des considérations sur la bonne foi et la mauvaise foi. Il écrit, à la lumière des procès de gardiens de camp d'extermination, que la plupart des hommes sont trop épais pour se montrer de mauvaise foi. Simplement, ils se persuadent de ce qui les arrange et finissent par y croire. J'ai les mêmes avec le COVID : aujourd'hui persuadés qu'il ne s'est pas passé grand'chose en 2020/2021 et qu'ils n'ont donc rien fait de grave.

La responsabilité

1) Le grand responsable et coupable, c'est l'Etat totalitaire (Ariane Bilheran dit : « L'idéologie commande »). C'est lui qui vise à déshumaniser ses victimes et à tuer leur âme (avant de les tuer tout court). On peut avoir des difficultés à définir « humanité » et « âme » abstraitement. Mais, concrètement, « déshumaniser » et « tuer l'âme », c'est limpide. Il ne s'agit pas seulement de tuer, mais d'avilir d'abord.

2) On ne peut pas confondre les victimes et les bourreaux, selon un critère simple : les bourreaux ont une échappatoire, ils peuvent biaiser. Primo Levi ne le dit pas, mais les historiens n'ont pas trouvé d'exemple d'Allemand sévèrement sanctionné pour avoir refusé de participer au judéocide nazi.

S'agissant de notre délire covidiste, les médecins, les policiers, les gendarmes et les restaurateurs étaient clairement du côté des bourreaux, ils avaient tous moyen de ne pas y participer. Je suis d'autant plus affirmatif que je connais des exemples de chaque catégorie qui n'y ont pas participé. Ca a eu un coût pour certains. Pour d'autres, c'était simplement un risque, qui ne s'est pas avéré.

3) Il y a pourtant une zone grise. A Auschwitz, la ration alimentaire est si maigre que c'est la mort assurée en quelques semaines. Il faut donc trouver moyen d'améliorer son ordinaire en collaborant. Primo Levi a trouvé une place d'assistant chimiste.

Il nous parle des sonderkommandos (« les groupements spéciaux » SK) groupes de mille juifs environ désignés pour le travail de mort : pousser les gens dans les chambres à gaz et trier les cadavres. Au bout de six mois environ, le SK est entièrement exécuté pour ne pas laisser de témoins et un nouveau SK est constitué. Cinq SK se sont succédés à Auschwitz. Par une chance extraordianaire, quelques survivants des SK ont pu témoigner.

Les SS ont organisé un match de foot avec le SK, ce qu'il n'aurait jamais fait avec d'autres déportés. Primo Levi pense que cette familiarité est due à l'absence d'âme en commun.

Il y a eu des suicides dans les SK. Le 7 octobre 1944, le SK (bien nourri, ce n'est pas anodin) s'est révolté. 4 morts chez les SS, 450 dans le SK (entièrement exécuté sauf les évadés).

Les échos

Comme je le disais en introduction, notre présent fait malheureusement écho à ce livre.

Primo Levi explique qu'on l'interroge souvent si les camps de concentration peuvent revenir. Sa réponse, en 1986, est « Ailleurs, oui. Il suffit de considérer les Khmers Rouges. Chez nous, non. En tout cas, pas immédiatement, mais au-delà de 20 ans, je ne saurais dire ».

Parlant de l'incommunicabilité en camp de concentration (la schlague était surnommée Dolmetscher, l'interprète, la seule à parler toutes les langues), Primo Levi insiste sur la liberté d'expression totale, condition de la liberté tout court, et donc de notre humanité. Inutile que je revienne sur le délire de censure des fragiles et autres « sensibles » des années 2020 and counting.

Etre un intellectuel aide-t-il à survivre en camp d'extermination ? Non, pas vraiment, mieux vaut avoir un métier immédiatement utile, maçon, tailleur ... Seule exception : l'allemand. Il y avait une nette différence de chances de survie entre ceux qui comprenaient (ou mieux, parlaient) l'allemand et les autres. Primo Levi pense qu'il doit sa survie à son allemand de chimiste.

Par contre, il constate que les intellectuels sont plus prompts à justifier le pouvoir et à se laisser séduire par lui, et il parle là du pouvoir paroxystiquement sadique des SS et des kapos !

Un exemple de sadisme méticuleux : à Auschwitz, la cuillère est un bien rare et précieux pour éviter de laper comme un animal. Or, après la libération, les détenus ont ouvert les entrepôts et ont découvert une masse de cuillères. La pénurie était donc délibérée. Primo Levi pense que les gardiens de camp avaient un instinct très sûr pour la mesure avilissante, l'efficacité germanique. C'est sans doute ce qui fait des camps d'extermination l'Enfer sur terre, plus que le goulag (où la volonté d'extermination est absente).

Il constate aussi que les croyants, quelle que soit leur croyance, résistent mieux que les agnostiques.

Pourquoi les déportés ne se sont-ils pas révolté ?

D'abord, c'est faux : il y a eu des mutineries de déportés, qui ont été réprimées dans le sang.

Ensuite, Primo Levi remarque que ceux qui sont au fond du trou ne se révoltent pas, ils sont trop diminués physiquement et moralement. Ceux qui se révoltent n'ont pas encore atteints le fond du trou.

Nos dirigeants sentent instinctivement qu'il faut qu'ils maintiennent les Français au fond du trou, qu'il ne faut surtout pas régler les problèmes d'insécurité et de misère. Si les Français redressaient la tête, la première chose qu'ils feraient seraient de se révolter contre leurs gouvernants.

Primo Levi rappelle que les plupart des révoltes de l'histoire ont échoué, d'autant plus si on pense aux révoltes tellement embryonnaires que l'histoire n'en a pas gardé trace.

« Le détenu s'évade », « L'opprimé se révolte » sont des stéréotypes, mais, dans la réalité, c'est bien plus difficile, la plupart des détenus ne s'évadent pas et la plupart des opprimés ne se révoltent pas. Au camp, les galoches de bois blessaient les pieds et ne permettaient pas d'aller bien loin, surtout à des détenus dénutris,  Alors s'évader ...

Et à la question « Pourquoi n'avez vous pas fui votre pays avant les persécutions ? », Primo Levi répond en 1986 : « Vous êtes menacé d'une guerre atomique en Europe, est-ce que vous vous installez à Tahiti ? ».

La question se pose aujourd'hui. Tous les gens lucides savent que la France finira sous le régime techno-totalitaire de contrôle total le plus liberticide que le monde ait jamais connu, l'installation est déjà bien entamé. Et, pourtant, à l'exception, chez les jeunes diplômés (qui ne partent pas tout à fait pour cette raison), il y a peu d'émigration.

Les Allemands

Primo Levi est bien conscient que les Allemands ne sont pas les seuls cinglés totalitaires au monde, mais, tout de même, il peine à les comprendre. Pour lui (et pour moi aussi), ils ont quelque chose qui fait que ce n'est pas un hasard si l'horreur des camps d'extermination industriels a eu lieu chez eux et pas vraiment ailleurs (ce n'est pas pour dire qu'il n'y a pas eu d'atrocités ailleurs, mais pas de cette manière systématique).

Il a correspondu avec quelques Allemands, à la suite de la traduction de Si c'est un homme. On sent bien qu'il a du mal.

En tout cas, il était très content que l'Allemagne soit divisée. Il n'a pas connu la réunification.

En conclusion

Toujours très fin, il comprend que le caractère satanique hors-normes du régime nazi justifie l'alliance contre nature des anglo-américains et de l'URSS (beaucoup ne l'ont toujours pas compris aujourd'hui).

Les gardiens de camps sont coupables. Mais ce sont les Allemands qui ont refusé de voir et de parler qui ont rendu cela possible.

Digression : je ne crois pas à la thèse du suicide de Primo Levi (on ne sait pas si sa mort est un accident ou un suicide). Ce n'est qu'une intuition, mais le suicide ne cadre pas avec l'image que je me fais de lui à travers ses livres.




Le grand héritage des Gaulois (Jacques Lacroix)

Le mensonge régionaliste

J'ai enfin compris ce qui m'irrite si fort chez les régionalistes, spécialement les Bretons : ce sont des menteurs pathologiques.

Les raisons qu'ils donnent ne sont pas les vraies. Et leurs vraies raisons, ils ne les donnent pas (la plupart du temps, ils les ignorent, faute de suffisamment d'introspection).

1) Les occidentalistes, les européistes identitaires et les régionalistes sont des adolescents narcissiques qui refusent la seule entité politique réellement existante (donc qui les empêche de se réfugier dans l'utopie et leur impose des devoirs d'adultes ici et maintenant), la nation.

L'occidentalisme, l'européisme identitaire et le régionalisme sont, comme le gauchisme et comme l'immigrationnaisme, avec lesquels ils s'entendent parfois si bien, des pathologies du narcissisme.

2) Il n'y a aucun rapport, à part la génétique, entre un paysan breton de 1900 et un punk à chien de Rennes ou un bourgeois en Armor Lux de Camaret. Leur langue bretonne est factice, leur culture bretonne est factice, leur folklore breton est factice. Ils se la pètent d'autant plus que leur prétention au particularisme ne repose sur rien, c'est qui les rend si énervants. Voir Le cheval d'orgueil (Pierre-Jakez Helias).

Un Breton (ou un Savoyard, ou un Basque, etc) est un Gallo-Ricain comme les autres, comme n'importe quel Parisien. Dans toutes ces régions, il y a plus de Mac Do que de restaurants régionaux.



La continuité gauloise

Le livre de Jacques Lacroix est une évasion, il rappelle le temps où les Français étaient encore des hommes et non des zombies.

Contrairement à la légende moderne, la France n'est pas un assemblage de peuples.

1) Les progrès de la génétique permettent au contraire de montrer une remarquable stabilité sur trente siècles du peuplement gaulois dans les frontières de la France actuelle, à quelques exceptions près (les Normands, par exemple). Les Bretons ne font pas partie de ces exceptions.

Autrement dit, « nos ancêtres les Gaulois » est vrai, bien plus vrai qu'on l'a longtemps cru, jusqu'à ce que l'invasion migratoire fasse sentir ses effets dans les années 2000.

Quand les rois de France disaient « mes peuples », ils ne donnaient pas un cours de génétique.

2) Un héritage gaulois dans le vocabulaire et dans la toponymie considérable (bien plus important que les quelques mots arabes qu'on nous rabâche sans cesse).  C'est le sujet du livre de Jacques Lacroix.

J'ai un ami nîmois qui dit fièrement « Je suis Romain ». Bin non. Il est Gallo-Romain : le nom de Nîmes vient d'un dieu gaulois (Nemausus).

26 des 50 plus grandes villes de France portent des noms d'origine gauloise :




Je ne peux pas vous en dire plus : ce livre est un catalogue instructif et amusant (parsemé de quelques jeux) de notre héritage gaulois.  Pour savoir ce qu'il y a dedans, il faut le lire !

Et, puisque Jacques Lacroix fait des videos, en voici une :

dimanche, janvier 07, 2024

Les nouveaux barbares

Un tout petit billet pour faire la réclame de cette vidéo de Stéphane Edouard, basée sur le livre d'Alessandro Baricco.

Les nouveaux barbares se caractérisent par :

1) Le refus de l'approfondissement, ils veulent rester à la surface des choses. L'exemple des « nouveaux » vins est excellent.

2) Ils recherchent l'accumulation frénétique de sensations, d' « expériences » (remarquez le nombre de sites qui vous demandent si vous avez apprécié « votre expérience chez nous »). D'où le succès des pots-pourris : hamburgers, SUV, qui sont plusieurs choses à la fois, qui multiplient « les expériences ».

Pourquoi est-ce barbare ? Parce que c'est le divertissement pascalien jusqu'à la folie furieuse, avec toujours la même objection fondamentale : l'homme est mortel, s'il passe son temps fini à se fuir, il aura perdu sa courte vie. Mieux vaut avoir été Mozart que d'avoir écouté un best of de toutes les musiques sur son Iphone.


vendredi, janvier 05, 2024

Le cheval d'orgueil (Pierre-Jakez Helias)

L'enfance d'un fils de paysan breton né en 1914.

La figure du grand-père sabotier, illettré mais pas inculte, se détache. Conteur remarquable, il connaissait des dizaines, peut-être des centaines, d'histoires bretonnes. Il en avait plusieurs pour chaque circonstance de la vie.

Il avait une culture bien plus riche que n'importe quel bachelier d'aujourd'hui.

Lorsque son petit-fils fut diplômé, ce qu'il considérait à juste titre comme une réussite personnelle, il acheta et but du champagne pour la première fois de sa vie. Et déclara : « Je ne mettrais pas cette pisse au cul d'un âne ».

Quand à l'auteur, tout gamin, il a une connaissance intime, pour ne pas dire encyclopédique, de la nature qui l'environne. Il connait chaque plante, chaque animal, et son utilité, quoi en faire, y compris des tours pendables.

Helias fait revivre ces hommes et ces femmes, dont la seule richesse est bien souvent l'honneur, la réputation.

Sa mère, orpheline de sa propre mère à 11 ans et qui est chargée de ses 7 frères et sœurs. Quand elle se marie, elle a déjà sa réputation de travailleuse à qui il ne faut pas en conter.

Son père, grand valet de ferme.

Tout un petit peuple qui a plus de droiture et de savoir vivre que tous les bourgeois urbains d'aujourd'hui. Non pas qu'ils fussent parfaits, mais ils étaient bien obligés de ne pas se perdre en futilités.

Et les dévotions. Et les superstitions (qui, bien souvent, irritaient le curé).

Helias parle même de politique : il y avait les Rouges et les Blancs. Son père était Rouge. Mais tous allaient à la messe.

Ca a d'ailleurs donné lieu à un incident amusant : Helias, en tant que premier de la classe, devait faire la lecture à la messe, mais la lecture faite par le fils d'un Rouge, ça la foutait mal. Un arrangement a été trouvé pour présenter les choses de telle manière que personne ne perde la face et Helias a fait la lecture.

Il y a mille anecdotes à raconter. C'est tout le livre qu'il faut lire. C'est pourquoi je m'arrête là : lisez le.

Il n'y a pas besoin d'être Breton pour s'y intéresser. Helias décrit la vie paysanne dans l'ancienne France, avec des spécificités bretonnes.

Et la dégénérescence moderne

Ce livre m'a permis de comprendre pourquoi avec les Bretons de 2023 m'irritaient autant : ce sont des ectoplasmes, des clowns.

Il n'y a aucun rapport, à part la génétique, entre un paysan breton de 1900 et un punk à chien de Rennes ou un bourgeois en Armor Lux de Camaret. Leur langue bretonne est factice, leur culture bretonne est factice, leur folklore breton est factice. Ils se la pètent d'autant plus que leur prétention ne repose sur rien, c'est qui les rend si énervants.

Le paysan breton a été éliminé, non par le méchant Etat jacobin colonial français, mais par la modernité : par la radio, par la télévision, par le livre, par la voiture, par le tracteur, par le chauffage central et par l'eau courante, par Vatican 2 aussi ...

Avec leur gauchisme, leur immigrationnisme, leur européisme et leur régionalisme, les Bretons de 2023 sont infiniment modernes, ils sont à l'exact opposé de leurs ancêtres, paysans et marins durs à la tâche et qui ne se regardaient pas le nombril, et c'est pourquoi leur narcissisme régionaliste est grotesque et si énervant.

Ils se gargarisent de culture bretonne, mais tous leurs comportements, hédonistes, individualistes, hérités (pour faire court) de Mai 68 en sont à l'opposé.

Je m'amuse de l'argument débile qui justifie l'immigrationnisme par « La Bretagne a toujours été une terre d'accueil » :

1) C'est faux, il y a eu très peu de brassage de populations en Bretagne (en France non plus).

2) Quand on sait l'insistance paysanne sur la lignée, ne surtout pas être indigne de ses ancêtres, cette défense de l'abâtardissement fait sourire.

Ah si, les Bretons d'aujourd'hui votaient RN à 70 % et remplissaient les églises, ils seraient un peu moins indignes de leurs ancêtres, ils les trahiraient moins. Mais ce n'est pas le cas.

A dire vrai, ce n'est pas une surprise totale, je me doutais de quelque chose :




Une perte immense

Certaines critiques se sont focalisées sur la fait que PJ Helias montrait la Bretagne comme une région arriérée.

C'est ce qui s'appelle viser à côté de la plaque.

Ce qu'il fait voir, c'est la perte immense, irréparable, que la France, qu'elle soit de Bretagne ou de Beauce ou de Charente, a souffert en perdant sa paysannerie dans les tranchées de 14. C'est son âme qu'elle a perdue, rien de moins.

Cela ne signifie pas qu'il n'y ait de Français que paysans. Il y a les artisans, les ouvriers, les commerçants, les intellectuels, les nobles. Mais, sans paysans, la France n'est plus la France.

C'est la continuité avec les Gaulois que nous avons perdue. Certains égarés croient que le christianisme est coupable, pour avoir supplanté le paganisme, mais, en réalité, la continuité du mode de vie et des comportements n'a été pas rompue. Certains cultes païens ont été christianisés, ce n'est pas du vol, c'est justement l'expression de cette continuité de la vie paysanne.

En 60 ans, nous avons brisé une transmission de trente siècles. C'est notre drame.

jeudi, janvier 04, 2024

Jean Bichelonne un polytechnicien sous Vichy (1904-1944) Limore Yagil

Je connaissais quelques clichés sur Jean Bichelonne : le record de points au concours d'entrée à Polytechnique, le type qui apprenait des pages d'annuaire par cœur pour se distraire, « Bichelonnne, il sait tout sur tout. Et c'est tout. » (par un professeur qui ne l'aimait guère), le ministre de Pétain qui croyait, par ses calculs, en juillet 44, que les Allemands allaient gagner, l'assassinat par les SS ...

Bref, un personnage antipathique.

Limore Yagil, plutôt indulgente pour son sujet, redresse certains de ses clichés.

Il était agréable de travailler avec Bichelonne parce qu'il comprenait très vite et proposait des solutions.

Son erreur est de s'être voulu un technicien apolitique. A son niveau, chef de cabinet, puis ministre, on n'est jamais apolitique. Ce n'est pas équivalent de travailler pour Pétain ou de travailler pour de Gaulle. Certains de ses condisciples sont d'ailleurs partis pour Londres. Raoul Dautry, le modèle Bichelonne, s'est retiré à la campagne pendant toute la guerre.

Une telle erreur de perspective donne envie d'être méchant en disant « Bichelonne sait tout mais ne comprend rien ».

Mais on peut relativiser les errements de Bichelonne : certains de nos « brillants » contemporains n'ont toujours pas compris que l'Allemagne est redevenue notre ennemie depuis 1991 (voir sa guerre contre notre nucléaire) et croient possible de s'accommoder avec elle dans des palabres plus ou moins techniques.

L'erreur des hommes de Vichy est double :

1) croire que le bataille de France concluait la guerre. « L'Angleterre aura le cou tordu comme un poulet » de cet imbécile et traitre de Weygand (ce côté ganache du nabot bâtard m'insupporte).

2) croire avoir à faire à Guillaume II alors que c'était Gengis Khan.

Jeannot le polytechnicien face aux hommes de Gengis Khan

Bichelonne est réputé détecter et corriger instantanément les erreurs dans les rapports. Est-ce que vous croyez que c'est un talent très utile face aux hommes d'Hitler ?

Alors, Bichelonne fait ce qu'il peut. Par exemple, il aide Michelin à résister aux exigences allemandes.

Mais la seule réaction à la hauteur de la politique allemande aurait été de transformer son ministère en organisation de sabotage systématique et il ne l'a pas fait.

La syndrome de la rivière Kwaï

Alfred Sauvy, autre polytechnicien, qui connaissait bien Bichelonne, parlait à son propos de « syndrome de la rivière Kwaï ». Ceux qui ont lu le livre de Pierre Boulle ou vu le film de David Lean (c'est-à-dire tout le monde) comprennent bien de quoi il s'agit.

 

 Ainsi, un des polytechniciens les plus brillants au sens scolaire se retrouva à faire le jeu des Allemands pour leur prouver qu'il était aussi intelligent qu'eux (c'est bien le thème de la rivière Kwaï).

A contrario, de Gaulle, en annonçant dès juin 1940 (et Churchill bien avant), que tout compromis avec les Allemands serait une compromission avait mieux compris la réalité des choses.

Il ne faut pas sous-estimer l'influence néfaste de l'idéologie technocratique faussement apolitique. Français de 2023, nous sommes habitués, on nous sert cette mauvaise soupe depuis 50 ans. Dans la gouvernement du bien commun, il n'y a pas de solution technique apolitique, il y a toujours des intérêts contradictoires, donc toujours des décisions politiques.

Dommage qu'un esprit si « brillant » n'ait pas compris ce que des gens ordinaires comprenaient sans difficultés.

Les accords Speer/Bichelonne

Comme le colonel du film, Bichelonne va jusqu'au bout de sa folie raisonnante, la fiction du technicien apolitique.

En septembre 1943, il rencontre Hitler et Speer en Allemagne. Ils s'accordent sur l'arrêt de la déportation de travailleurs français en échange de l'augmentation de la production en France en faveur de l'Allemagne. La France y gagne de maintenir son industrie en activité (gain rendu vain par les bombardements et par la bouleversement d'après guerre : l'industrie de 1950 n'a plus rien à voir avec l'industrie de 1943), l'Allemagne un surcroît de fournitures.

Notez bien la date. En septembre 1943, plus aucun esprit lucide n'a de doutes sur la défaite de l'Allemagne (François M. a déjà retourné sa veste). Certains, comme Hitler, peuvent juste espérer, vainement, une paix séparée avec l'un ou l'autre des belligérants.

Une fin sordide

Bichelonne signe en juillet 1944 une pétition, demandant, entre autres choses, « une répression accrue ».

Il est emmené de force à Sigmaringen alors qu'il voulait démissionner (un peu tard, non ?).

Il est assassiné en décembre 1944 dans une clinique par un médecin ami d'Himmler, spécialiste des « accidents opératoires », probablement dans le cadre de la rivalité Himmler-Speer.

Il reste de Jean Bichelonne le CNET (Centre National d'Etudes des Télécommunications), dont il ne faut pas négliger l'importance.

Quelle intelligence ?

Céline, jamais en retard d'une vacherie, raconte (D'un château l'autre) que, pour calmer Bichelonne énervé, Pierre Laval lui demande la masse atomique du tungstène et le PIB du Honduras et qu'il est tout rasséréné d'avoir répondu du tac au tac.

Il ne fait aucun doute, d'après tous les témoignages, que Bichelonne avait un « gros cerveau ».

Mais, justement, nous sommes obligés d'en tirer la conclusion (c'est un poncif, mais illustré par Bichelonne de manière exceptionnelle) que la réussite scolaire, la « brillance », est très très loin de suffire à faire l'intelligence.

dimanche, décembre 31, 2023

La guerre et le vin (Christophe Lucand)

Livre très décevant sur la seconde guerre mondiale et le vin.

L'auteur est un universitaire de la plus belle eau : lourd, gauchiste et anti-France. Evidemment, il fait de la politique à gauche (maire de Gevrey-Chambertin).

L'auteur emploie une ligne sur deux le pédant « vitivinicole » (franchement pénible) et surtout, il est incapable de comprendre la complexité d'une situation historique, il écrit ainsi que la politique étrangère française d'avant-guerre est « un accommodement inconditionnel » et « une obsession de tourner l'hostilité de l'Allemagne vers l'est ». Ecrit de manière aussi caricatural, c'est tout simplement faux.

Ca pue l'aigreur alors que le vin rend gai.

Vous l'aurez compris, ce livre peut se résumer en une phrase « Les salauds de gros richards "vitivinicoles" ont collaboré jusqu'au 8 mai 1945 et même après. Les enculés ! ».

La plupart des pinardiers n'ont pas été appauvris par la guerre, loin de là.

La question de fond : il est déshonorant de faire du commerce avec l'ennemi, mais est-ce que c'est grave quand il s'agit d'alcools ? Jusqu'à preuve du contraire (j'en discuterai avec mes compagnons à ma prochaine beuverie), le vin n'est pas un actif stratégique.

Cette lecture fut un pensum. Je me suis sacrifié pour vous ! Mais je reconnais que ce livre fourmille d'informations.

Hélas, les ouvrages sur le sujet sont rares. Lisez celui-là seulement si :

1) Le sujet vous passionne.

2) Vous vous sentez capable de faire le tri dans ses conneries.

Sinon, lisez Henri Vincenot.