mardi, mai 22, 2018

Éric Delbecque : « Nous n'avons rien compris de la puissance américaine ! »

Éric Delbecque : « Nous n'avons rien compris de la puissance américaine ! »  (en fait, il veut dire « la classe jacassante, nos dirigeants n'ont rien compris », car je connais des Français de base qui ont parfaitement compris).

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Le danger est donc ailleurs [que dans le complexe militaro-industriel américain] ?

Oui, précisément dans ce que nous vivons actuellement. À travers l'extraterritorialité du droit américain, nous assistons au déploiement d'un dispositif de puissance redoutablement efficace qui prétend imposer ses règles au monde entier. D'un point de vue politique, il convient de l'interpréter de la seule manière possible : c'est une prétention à la domination planétaire. Pas par la violence, bien évidemment, mais par la contrainte indirecte et sous couverture morale.

Les États-Unis disent le bien (« il ne faut pas commercer avec l'Iran car ils représentent une anomalie idéologique et morale ») et les Européens doivent s'aligner sur la parole sacrée… Mais ce qui mérite ici d'être médité, ce n'est pas le mode d'action de nos « alliés » d'Outre-Atlantique, c'est l'inaction européenne depuis vingt-cinq ans. Après tout, les Américains poursuivent la mise en œuvre d'une stratégie que leur offrent leurs différents avantages comparés, ce qui est assez compréhensible. Le drame, c'est que l'Union européenne échoue régulièrement à bâtir une réponse intelligente et décisive à la politique de maîtrise de la mondialisation (industriellement, financièrement, juridiquement, technologiquement) engagée par l'Oncle Sam après la fin du condominium Ouest/Est.

Tout cela a deux conséquences majeures : la première sera de renforcer la détermination russe et chinoise d'édifier une zone d'influence propre, capable de fonctionner selon une philosophie de dissuasion tout en ménageant une mécanique de réciprocité ; la seconde est de pousser l'Europe en dehors de l'Histoire.

N'êtes-vous pas pessimiste ?

Simplement réaliste. Nos entreprises aujourd'hui en relation avec l'Iran sont priées sans ménagement de ranger leurs affaires et d'aller jouer ailleurs… Que faut-il de plus pour regarder le réel en face ? Pour réagir, encore faut-il cesser de minimiser. Nous autres, Européens, nous nous acharnons à vouloir décrypter le présent de 2018 avec les outils intellectuels de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre froide. Bien sûr, ça ne peut pas fonctionner. Nous croyons être les alliés des Américains de la même manière qu'en 1945 ou qu'en 2001 : c'est inexact et dangereux.

Nous devons « challenger » Washington sur le terrain politique, leur faire comprendre d'une manière ou d'une autre qu'ils se trompent dans leur approche de la puissance et du leadership. C'est ainsi que se comporte un partenaire sincère, indépendant et digne. La condition de vassal craintif qui nous caractérise ne mène à rien. Sans pour autant devenir vindicatifs ou teigneux, nous devons cesser d'être le pilier européen de l'hégémonie américaine pour devenir ce qui est réellement notre vocation depuis toujours: être un point entre les civilisations, entre l'Occident et l'Orient, entre l'Amérique et l'Asie. La France contre les Empires, l'Europe contre les empires: voilà un horizon de sens enthousiasmant, encore faut-il avoir le courage et la force de relever un tel défi.
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De bien belles paroles, mais qui se heurtent toujours au problème des Européens : changer d'élites, virer l'hyper-classe mondialiste vendue à Washington (qui n'est pas l'Amérique entière) et trouver des homes capables de défendre leur pays, et non un autre que le leur.




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