jeudi, janvier 11, 2018

Ecouter le peuple français ? Ca serait-y pas ça la démocratie ?

Et l’Autorité des marchés financiers éprouva le besoin de recadrer Nabilla ... mais les Français ont-il vraiment plus besoin qu’avant qu’on les (ré)éduque ?

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Ce n’est pas un phénomène [le mépris du peuple] uniquement français. Il est général en Occident.

Michael Young l’avait pressenti dans un livre paru en 1958, « The Rise of meritocracy » (La montée de la méritocratie), un livre bien plus intéressant que l’ouvrage tant de fois cité et totalement surestimé de Bourdieu sur la reproduction des élites.

Young, sous la forme d’une fiction satirique, montre comment, après des décennies d’homogénéisation sociale sous l’effet de l’accès de plus en plus généralisé à l’enseignement secondaire, une société inégalitaire est en train de renaître, sous l’effet de l’accès croissant à l’enseignement supérieur d’un groupe qui reste malgré tout une minorité.

Le livre est prémonitoire parce qu’il annonce ce que nous vivons. L’émergence d’un groupe important, mais ne représentant guère plus d’un tiers d’une génération, de diplômés de l’enseignement supérieur, est contemporain de la révolution néo-libérale et de la mise en place d’une société de plus en plus inégalitaire. Pour être plus précis, il existe un moment, le milieu des années 1960 aux USA, le début des années 1990 en France où l’accès à l’enseignement supérieur se met à stagner, comme si le corps social avait cessé de faire un effort pour élargir le groupe concerné.

Dans les années qui suivent, une mentalité inégalitaire reprend le dessus: aux Etats-Unis, c’est le début de la remise en cause du Welfare State (le rejet du Fair State de Johnson); en France, au début des années 1990, c’est le vote sur Maastricht, qui est un vote opposant les sachants, les diplômés de l’enseignement supérieur, d’un côté, et les catégories moins ou pas diplômées de l’autre.

Remarquez que la carrière des Clinton suit cette ascension de la « méritocratie », à partir de la fin des années 1960, moment de leur diplome. Qu’est-ce que l’élection de Trump sinon l’expression d’une révolte aboutie de tous les non-experts, non-sachants qui ont trouvé un porte-parole? D’ailleurs Hillary Clinton en campagne les qualifie de « déplorables ». Qu’est-ce que la dénonciation des « fake news » sinon l’opposition entre le savoir des experts et le méprisable niveau d’information des ploucs qui votent sans comprendre? Le vote du Brexit relève de la même répartition entre « sachants » et « non-sachants ».

Donc le comportement de l’AMF vis-à-vis de Nabilla est somme toute banal dans l’Occident actuel.

Au lieu de passer de 10% à 80% de vrais savants et «d’honnêtes hommes » dans nos sociétés, on a fabriqué 50% ou un peu plus de « demi-savants » qui abandonnent largement le pouvoir aux experts parce qu’ils n’ont pas reçu l’esprit critique qui leur permettrait de résister au despotisme éclairé des 1% les plus riches et de leurs valets académiques. On n’a jamais autant lu et brassé d’informations que dans nos sociétés mais on observe aussi comme la société dans son ensemble a du mal à défendre une authentique démocratie.

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« Laurent Wauquiez doit écouter le peuple ! »

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Mais pour gagner le peuple, une opposition de reconquête doit savoir abandonner les oripeaux d'une droite uniquement bourgeoise: autant que l'insécurité, il lui faut dénoncer les hausses invraisemblables des tarifs publics de ce début d'année: 36 % pour le fuel domestique, 17 % pour l'électricité, 13 % pour les frais bancaires qui pèsent sur le niveau de vie populaire, déjà écorné par la hausse de la CSG. Sur tous les sujets où il faut se positionner, Laurent Wauquiez doit choisir résolument de défendre les intérêts du peuple.


Le meilleur moyen de perdre a toujours été de se laisser définir par ses adversaires: trop longtemps la gauche a enraciné dans les esprits l'idée que la droite était le parti des bourgeois, et elle, celui des travailleurs. Trop de politiciens de la droite modérée reprennent encore à leur compte ce clivage obsolète , ce qui les conduit à saluer par exemple, par réflexe, tout projet antipopulaire du présent gouvernement. Ne nous laissons pas prendre à ce jeu. La droite de papa est morte: le macronisme l'a tuée.

Au-delà des questions dites «de société», les Républicains peuvent marquer leur différence dans le sens de l'opinion populaire sur de nombreux sujets, sans encourir les foudres de la bien-pensance. Il leur faut pour cela cesser de tenir la logique technocratique pour la référence suprême et délester leur programme de certains projets absurdes, comme par exemple celui d'éliminer 30.000 communes, aussi inhumain qu'inutile et coûteux, ou encore les lois d'urbanisme étouffantes, les stupides éoliennes, l'abaissement à 80 km/h de la vitesse limite sur la route, etc. Un tel travail critique vis-à-vis de ces logiques que le peuple ressent comme absurdes n'a malheureusement pas été fait dans le programme de François Fillon. Pourtant, il sera d'autant plus rentable que, faute d'idées et de vrais contacts avec le terrain, le mouvement En Marche! s'éloigne durablement des intérêts des couches populaires. Si ce travail de remise en question n'est pas pris très au sérieux par LR, comment s'étonner que les Français jugent avec autant de sévérité l'opposition? Revenez au peuple et au réel, M. Wauquiez.
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