mercredi, août 30, 2017

Nomination de M. Beurp : la fabrication du consentement

M. Beurp, BRP, Bruno Roger-Petit, « journaliste » macroniste outrageusement partisan, au point que même sa rédaction, qu’on ne peut pas qualifier de ramassis de chemises brunes avinées, s’en est émue pendant la campagne présidentielle , a été nommé porte-parole adjoint de la présidence de la république.

La nouvelle n’a que peu d’importance, elle est dans la logique de l’endogamie politiciens-journalistes et le personnage n’a aucun intérêt, il n’est même pas assez intelligent pour qu’il soit plaisant de l’avoir comme adversaire.

Cependant, c’est le prétexte pour revenir, avec Eric Verhaeghe, sur une notion fondamentale de notre époque, et même LA notion fondamentale, celle qui domine toutes les autres, de la politique contemporaine : la fabrication du consentement.

Dans nos régimes politiques occidentaux, le peuple est souverain un jour tous les quatre, cinq ans (les modalités varient suivant les pays, mais c’est l’ordre de grandeur), après quoi il redevient subordonné pendant quatre, cinq ans. Les gens en place ont un intérêt objectif à ce que, ce jour-là, le peuple soit le moins libre possible de son choix, de façon à éviter les mauvaises surprises et la remise en cause d’une situation qui fait leur réussite. Ils ont aussi un intérêt secondaire à ce que le peuple ne se montre pas trop turbulent entre les échéances électorales et continue à obéir (notamment, à payer les impôts) sans trop rechigner.

L’ensemble des techniques utilisées à ces fins a été baptisé par Walter Lippman, terme repris par Noam Chomsky (hé oui ! un gauchiste), la fabrication du consentement. L’expression mérite d’être analysée. Il s’agit d’une fabrication, et non d’une émergence spontanée, et on parle de consentement, et non d’approbation. Dans la notion de consentement, il y a une réserve, on reste sur son quant-à-soi, on se fait violence, ou on accepte une violence qui nous est faite, ce n’est pas l’enthousiasme volontaire et positif.

La notion principale est celle de cadre idéologique. On laisse les débats libres tant qu’ils ne sortent pas du cadre idéologique posée par le système politico-médiatique, comme on laisse les enfants libres de jouer dans le bac à sable, à condition qu’ils n’en sortent pas. Mais les enfants ne sont pas souverains, ils ne choisissent pas le bac à sable, ce sont les parents qui le choisissent. Pour ce faire (imposer un cadre idéologique), Lippman explique que les medias doivent toujours interposer un filtre entre la réalité et l’opinion. Ce filtre peut prendre plusieurs formes, la plus simple étant la sélection de l’information, le choix de ce qui mérite de faire la une et ce qui ne mérite même pas une ligne.

En matière de fabrication du consentement, la campagne électorale d’Emmanuel Macron fut remarquable.

Prenons du recul : comment un homme qui était un quasi inconnu un an avant le vote, sans accomplissements ni services majeurs, sans histoire, avec des qualités, certes, mais rien d’extraordinaire, a t-il pu être élu ? Vous connaissez la réponse : la fabrication du consentement.

Le score du premier tour et les sondages montrent sans ambiguïté que deux tiers des électeurs d’Emmanuel Macron du second tour ont voté sans enthousiasme, voire avec réticence. Ils auraient pu aller à la pêche, mais ils ne l’ont pas fait, ils se sont sentis obligés d’aller voter. Dans ceux qui ne voulaient pas de Macron, beaucoup ont préféré s’abstenir plutôt que voter Le Pen. Nous sommes en plein dans le consentement, par opposition à l’approbation.

Pour descendre à la basse technique de cette fabrication du consentement macronien, nous avons un exemple d’anthologie d’interposition médiatique entre le public et la réalité : le meurtre de Sarah Halimi. Ce fait divers horrible en pleine campagne électorale (4 avril 2017) n’a pas eu l’écho habituel car, en ramenant le projecteur sur des questions épineuses pour Emmanuel macron (délinquance, antisémitisme musulman, immigration), il aurait gêné le candidat des médias.

Mais on peut élargir : la façon de poser des questions techniques, dont il était évident qu’elles avantageraient Macron sur Le Pen, participe du cadre idéologique qui limite la liberté des débats. Les journalistes prennent comme présupposé idéologique qu’un président doit être un bon technicien. Réduire la politique à des questions techniques, c’est en réalité faire disparaître la politique. De Gaulle était-il bon technicien ? Par la bande, les journalistes ont clos le débat politique en le ramenant à de la technique de petit bureaucrate.

Ainsi, s'explique la chute de popularité d'Emmanuel Macron : on a forcé la main des Français, ils se vengent ... quand il est trop tard. Quand ça ne sert plus à rien, quand leur petit jour de souveraineté tous les cinq ans est passé.


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