samedi, janvier 23, 2016

De l'impartialité des médias et autres contes pour enfants

Cet extrait de Causeur m'a bien fait rire :
1h28 de jeu [match Finkielkraut Cohn-Bendit]. Un autre moment fort du match. David Pujadas quitte à la surprise générale son rôle d’arbitre et lance, presque solennel : « N’oublions pas quand même, et tout le monde sera sans doute d’accord ici, qu’une écrasante majorité des musulmans adhèrent aux valeurs françaises et se fondent parfaitement dans la société française. » Accélération de mon rythme cardiaque. Je m’égosille. « Tu te bases sur quelles statistiques ou sur quels chiffres précis pour sortir cela David ? Et la laïcité, la liberté d’expression, ça fait partie des valeurs françaises ou pas ? Et l’égalité homme-femme, la lutte contre l’antisémitisme aussi ?
Pujadas ne me répond pas. Faut dire qu’il ne peut pas m’entendre de là où il est. Mon chien me reluque bizarrement.
On joue depuis plus de deux heures maintenant et on va enfin savoir qui a remporté la rencontre. L’arbitre fait appel à Karim Rissouli. Le journaliste est censé nous dire quel est la tendance sur les réseaux sociaux. Je me souviens avoir vu ce journaliste s’en prendre à Zemmour il y a quelques années, quand il officiait au « Grand Journal » sur Canal+. Du coup, un doute m’effleure quant à son impartialité. Karim Rissouli précise que les commentaires les plus fréquents concernent l’intervention de l’enseignante, sans préciser s’ils sont élogieux ou non. « Qui a gagné sur Twitter entre Cohn-Bendit et Finkielkraut ? Je dirais 50-50 », conclut-il magnanime. Du coup, le doute m’effleure un peu plus encore. Ce n’est pas du tout l’impression que j’avais en lisant les réactions tout à l’heure.
C’est au tour de Jean-Daniel Lévy d’intervenir pour l’institut Harris Interactive. D’après un sondage réalisé en fin d’émission, c’est Cohn-Bendit qui a le plus convaincu les téléspectateurs (55%) face à Finkielkraut (44%). El Rafe tweet dans la foulée : « Ils font croire que les gens ont préféré Cohn-Bendit à Finkielkraut. LOL »
Sur Twitter, je m’amuse à répertorier les tweets concernant l’émission. J’en dénombre 36 : 28 d’entre eux sont favorables à Finkielkraut ou défavorables à Cohn-Bendit contre 8 pour l’opinion inverse. Je me dis que Karim Rissouli est sans doute davantage un littéraire qu’un matheux car 28/8 ce n’est pas, même grosso modo, du 50/50.
Du coup, je vais illico sur la page Facebook « Des paroles et des actes ». Il est minuit et je dénombre pas moins de 417 messages postés durant l’émission. J’hésite quelques secondes. Mais je veux en avoir le cœur net. Je décide de me coltiner tous les messages, histoire de connaître le ressenti des gens. Surtout qu’au-delà de 400, l’échantillon commence à être représentatif. Un hommage à Stakhanov. Histoire de bien faire les choses, je dénombre précisément les messages favorables à Finkielkraut (ou défavorables à Cohn-Bendit) d’un côté, ceux favorables à Cohn-Bendit (ou défavorables à Finkielkraut) de l’autre. Dans une troisième colonne, je répertorie les messages neutres ou hors sujets. Je prends un crayon noir et une gomme. J’ai l’impression de faire une heure de colle à l’école.
Le résultat est édifiant. Pas moins de 190 messages sont en faveur de Finkielkraut contre… 35 pour Cohn-Bendit. Ce qui nous fait un ratio de 85/15 en faveur du philosophe. Par ailleurs, près de 130 personnes s’attaquent plus ou moins vertement à la prof d’Anglais, vous savez celle qui va « droit au but », alors que seulement 9 la soutiennent.
Je referme mon cahier avec plein de questions en tête. Sur quels critères le journaliste s’est-il basé pour balancer son 50/50 ? Au lieu de citer quelques tweets anodins, pourquoi n’a-t-il pas mentionné les critiques massives à l’égard de l’enseignante sur les réseaux sociaux, lui qui était censé décortiquer la tendance ? Qui sont les gens interrogés par l’institut de sondage ? Comment un tel décalage avec les réseaux sociaux est-il possible ?
Dans les années 60, l’Office de radiodiffusion-télévision française contrôlait la télé publique et la plupart des journalistes étaient à la botte des gaullistes. Aujourd’hui, l’ORTF n’existe plus. La télé publique a-t-elle changé de camp ?

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