samedi, juillet 19, 2014

Pourquoi n'a-t-on pas fusillé Pétain, Gamelin et Weygand en juin 1940 ?

Pourquoi n'a-t-on pas fusillé Pétain, Gamelin et Weygand en juin 1940 ?

Pour la même raison qu'on n'a pas fusillé Joffre en décembre 14, Chirac, Sarkozy et Hollande aujourd'hui.

1871, 1914, 1940. Tournant de la troisième mondialisation des années 90-2000. Quatre défaites françaises majeures et, à chaque fois, quatre défaites avant tout intellectuelles.

Prenons 1914 puisque nous en commémorons l'anniversaire.

La bataille de la Marne (la première, puisqu'il y en existe une seconde qui mérite que l'on s'en souvienne) sauva les meubles par miracle, le sang compensant l'incompétence et l'inaptitude à penser juste.

Entre août et décembre 1914, mourut environ un tiers des victimes français de la guerre, notre territoire fut partiellement envahi et nous fûmes incapables d'exploiter le fait que les Allemands combattaient sur deux fronts. C'est bien une défaite majeure.

On caricature avec la doctrine de l'offensive à outrance et les pantalons garance.

Le mal est hélas plus profond.

La stratégie était inexistante : une commission parlementaire en 1920 découvrit avec stupéfaction qu'il y avait en 1914 un plan de mobilisation mais pas de plans d'opérations.

Sous les questions pressantes de parlementaires, dont certains étaient de frais anciens combattants, Joffre dut avouer que le plan d'opérations était ... dans sa tête !

Des méthodes que Napoléon pouvait se permettre, dans son génie, mais certainement pas le médiocre Joffre. D'ailleurs, les événements ont montré qu'en fait de plan d'opérations, il y avait dans la tête de Joffre quelques idées vagues.

Bien entendu, dans l'euphorie de la victoire, ce rapport parlementaire eut droit à un enterrement de première classe (d'ailleurs, c'est le destin des rapports parlementaires).

Pas de de plan d'opérations, mais pas de méthode d'opérations non plus. En 1914, l'armée française négligeait les bases du métier militaire : renseignement, reconnaissance, communications, appuis, coordination des feux, couvertures réciproques, positions de repli, ravitaillement, ambulance ...

Tout cela était laissé dans un flou qui n'avait rien d'artistique pour ceux qui en mouraient. «L'intendance suivra» a bon dos.

Incapacité à élaborer une stratégie, incapacité à élaborer des méthodes adaptées aux réalités du terrain. Incapacité à cette confrontation incessante entre le concept et la réalité qui caractérise l'intelligence.

L'esprit français, par son plus mauvais côté, préfère les idées fumeuses : la fracture sociale, le changement c'est maintenant ...

Ce n'est pas toujours le cas. L'armée française de 1918 était remarquable. Le gaullisme entre 1940 et 1945 est un chef d'œuvre d'articulation entre vision planétaire et aspects pratiques (l'appel du 18 juin est formidable d'intelligence et de concision : c'est toujours un réconfort de le relire). Mais il avait auparavant fallu en passer par des catastrophes.

Au fond, nous ne fusillons plus les mauvais dirigeants parce que nous croyons que leur médiocrité est à notre image. Il faut croire qu'un mauvais dirigeant est une insupportable anomalie pour oser le fusiller comme il le mérite.

Rome exilait ou exécutait les généraux vaincus parce que les Romains croyaient en la grandeur de Rome.

Pétain, en tant que grand maître de l'armée française entre 1926 (élimination ignominieuse de Lyautey, où Pétain montre encore une fois la petitesse de son caractère) et 1940, est le premier responsable de la défaite.

Au lieu de le fusiller ou de l'exiler, nous avons fait un sauveur. Après, étonnez vous que le pays déconne.

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