dimanche, octobre 17, 2010

The right of the line (J. Terraine)

Cette histoire de la RAF pendant la seconde guerre mondiale est passionnante :

> on y voit à quel point la guerre est un maître impitoyable. Toutes les théories et les certitudes d'avant-guerre y ont été broyées en quelques jours. En revanche, on y a ré-appris des leçons oubliées de 1918, car, pour la RAF comme pour l'armée française, les leçons de la guerre précédente s'étaient arrêtées en 1917.

> malgré tout, on constate aussi à quel point les idées fausses peuvent empêcher un jugement sain : jusqu'en 1944, une bonne partie de la RAF a cru que les bombardements «stratégiques» pouvaient finir la guerre sans grande bataille terrestre. C'est d'autant plus absurde que les Anglais avaient la preuve sur leur sol de l'inefficacité relative des bombardements.

Or, la RAF entre 1939 et 1945 a eu plus d'officiers tués que l'armée britannique pendant la première guerre mondiale ; c'est-à-dire qu'il s'est produit précisément ce qu'on cherchait à éviter : la fine fleur de la Grande Bretagne a été fauchée (à cette époque, on n'était pas encore rendu totalement con par l'égalitarisme et la démagogie, on considérait à juste titre que les pertes d'officiers étaient plus graves que les pertes de bidasses) (1).

> la plus grande victoire de la RAF, c'est la bataille de l'Atlantique, parce qu'elle a permis Overlord. Sans maîtrise des liaisons transatlantiques, pas de débarquement sur le continent. Et sans débarquement, pas de victoire finale. Mais elle est souvent présentée comme un «sideshow» parce que lui donner de l'importance contredit le dogme de la victoire par les bombes. On ne peut passer sous silence cet as français du Coastal Command (ignoré en France. Une ridicule place en face de la gare Montparnasse) : Max Guedj.

> Une fois de plus, on lit à quel point Overlord fut une mécanique de précision, seulement grippée occasionnellement par l'incapacité du maréchal Montgomery à prendre en compte les besoins de l'aviation.

> l'auteur a l'intelligence de revenir sur le bombardement de Dresde (le même raisonnement s'applique à Hiroshima et Nagasaki). Notre époque d'ignares bavards et prétentieux le condamne sans nuance. C'est toujours ce ridicule complexe de supériorité qui nous fait nous juger meilleurs que nos grands-pères. Ce jugement est un anachronisme, il est le jugement de ceux qui connaissent la fin, il est une preuve de bêtise.

En février 1945, la guerre n'était pas finie, tous les moyens étaient bons pour l'abréger. Quand on est bien en paix dans ses pantoufles, on fait de la morale à deux balles et on néglige que le premier devoir lors d'une guerre est de la gagner le plus vite possible par tous les moyens. Cette pulsion très puissante qui pousse les nations en guerre à essayer de la finir le plus rapidement possible explique bien des offensives «idiotes» de 1915 et 1916.

Enfin, je pense à ces jeunes gens de la RAF comme à ceux de l'US Army Corps. A certaines périodes, ils encouraient des taux de pertes stupéfiants, 4 chances sur 5 de finir un tour d'opérations mort, blessé ou prisonnier. Et dans l'aviation, il n'y a aucun doute, ils étaient volontaires. Je ne sais pas si nous serions capables des mêmes sacrifices et du même patriotisme.

Par ardua ad astra : à travers les embûches, vers les étoiles.

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(1) : je pense que le fait que, dans deux générations successives, les meilleurs et les plus courageux aient été massacrés est de grand poids dans notre abêtissement actuel. Quand un Bloch et un Moulin meurent et qu'un Sartre et un Mitterrand survivent, ce choix du destin ne peut pas être bon pour le pays.

6 commentaires:

  1. En parlant de Max Guedj, j'ai remarqué plus généralement que les grands pilotes français de la dernière guerre étaient souvent méconnus en France, bien plus même que dans les autres pays. Il en va ainsi des aviateurs du Normandie-Niemen, peu connus chez nous en France, mais qui bénéficient en revanche d'une célébrité émouvante et d'une estime particulièrement développée chez les Russes. Il me semble même que l'histoire de cette escadrille est plus célèbre aux Etats-Unis qu'en France.
    J'y vois plusieurs raisons à cela, sans-doute discutables, mais qui me paraissent valoir d'autres hypothèses : la première est que mettre en valeur le courage et le dévouement viril de ces hommes dans notre société aseptisée nous ferait prendre immédiatement conscience à quel point notre époque, en comparaison, est médiocre, égoïste, capricieuse, avec les “idéaux” de 68 portés au pinacle. Cela ferait mal de rendre hommage au sacrifice et au patriotisme de jeunes gens, presque des gamins, à une époque où on pinaille et pleurniche pour un rien et où il est de bon ton d'avoir honte de tout ce qui est français.
    On me rétorquera certes que la Résistance est devenue une sorte de légende dorée chez nous, mais si justement le combat de nos pilotes est beaucoup moins mis en lumière, c'est à mon sens parce qu'il ne correspond pas à la propagande officielle affirmant que ceux qui ont lutté contre “la bête immonde” étaient surtout issus de la gauche et du PCF. Les aviateurs français n'avaient souvent que peu d'intérêt pour les idées socialistes, et je dirais même qu'en général les pilotes des deux camps développaient un genre d'esprit aristocratique (bien loin de l'idéologie égalitaire de nos bien-pensants), mêlé de camaraderie virile et parfois d'une estime chevaleresque pour leurs adversaires, bien qu'engagés dans une lutte a mort (Clostermann rapporte d'ailleurs que de nombreux pilotes allemands refusaient de faire le salut hitlérien). Bref, c'était une caste a part qui ne se laissait pas facilement récupérer politiquement...

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  2. Vos hypothèses sont justes, mais vous en oubliez une plus terrible : il n'y a plus de Français, seulement des habitants de la France.

    Bienvenue dans l'aFrance d'après.

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  3. Oui, les fameux "citoyens du monde", concept totalement ridicule forgé pour séduire les faux rebelles de service et autres adeptes des défilés en troupeaux. Ils doivent bien faire rire la planète entière en tous cas. Négliger l'influence de sa culture d'origine sur un individu est d'une bêtise abyssale digne d'un progressiste, cet individu étrange dont le rêve est de façonner un homme nouveau à son image, et par la force si besoin est...
    Le film « la grande illusion » peut donner une idée de cette morale élevée des aviateurs des deux guerres, de leur esprit aristocratique, tout en faisant sentir que ce qui s'annonce et qui les remplacera en terme de grandeur n'est guère engageant. Un film prophétique...

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  4. Dans une société aristocratique, on peut respecter son ennemi tout en le tuant.

    Dans une société hyper-démocratique, c'est l'inverse : on ne tue plus même quand c'est nécessaire et on ne respecte plus personne.

    Je doute que nous ayons gagné au change.

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  5. Je m'aperçois que le libéral-conservatisme est déjà dépassé : fondons le parti aristocrate-libéral, mieux adapté aux défis de l'heure.

    D'ailleurs, je ne nous donne pas deux ans pour passer à la promotion de la dictature libérale.

    Général Pinochet, anyone ?

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  6. Cher Franck, Je profite de ce message pour vous féliciter pour votre blog que je suis avec beaucoup d'intérêt depuis que je l'ai découvert il y a environ 8 mois.

    A propos de Dresde je vous conseille la visite de ce forum sur la reconstruction du quartier baroque autour de la fraurenkirche : http://www.skyscrapercity.com/showthread.php?t=250017

    Un petit aperçu du site en 1989: http://farm4.static.flickr.com/3496/3710370983_ecdea99851.jpg

    cordialement,
    Sylvain

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