dimanche, mai 02, 2010

Le juridisme peut-il détruire une société ?

Le juridisme (j’entends par là la tendance à l’hégémonie du droit dans la vie en société) est un choix politique, celui de l'hyper-individualisme.

Comme sujets de droits, les individus n'ont rien de supérieur à eux-mêmes, ni la civilité, ni la décence, ni la tradition, ni la collectivité.

Le juridisme, par l'usage qu'il fait du droit, limite sévèrement le champ du politique, et donc, notre liberté collective.

En effet, le droit, tel qu'il est aujourd'hui, est encadré par des chartes, des traités, des textes constitutionnels, qui n’ont la plupart du temps pas grand’chose de démocratique (souvenez vous du «re-vote» sur le traité constitutionnel européen) tellement que les options de droit sont fort limitées. C’est que le québécois Mathieu Bock-Coté appelle la chartisme, dans son livre La dénationalisation tranquille.

Accepter de faire du droit dans un cadre si restreint, c’est déjà aller dans le sens d’une certaine politique, celle du progressisme.

Je pourrais avoir l’envie politique de fermer les frontières du pays, d’annexer la Wallonie (avec le consentement des Wallons)ou de retirer le droit de vote aux femmes (ou aux hommes !) ou, plus sérieusement, d’interdire ou d’imposer aux étrangers certains comportements ou de limiter leur accès à nos systèmes sociaux, ou de ne pas légiférer sur la fessée.

Toutes ces options politiques me sont interdites par notre cadre juridique (à part peut-être l'annexion de la Wallonie).

Fréquenter le blog de Maitre Eolas permet de mesurer à quel point l'analyse juridique dissimule des choix politiques.

A ma question initiale : le juridisme peut-il détruire un pays ? La réponse est : oui, c'est déjà fait.

Je pense que, si notre pays devait se rétablir un jour, un signe sûr serait qu'on violerait ou qu'on supprimerait sans hésiter quelques unes lois de circonstance dont ces dernières années ont été fécondes (j'espère que ce ne sera pas la loi sur la burqua !).

Je vous rappelle ce texte de Soljenitsyne : le déclin du courage.

«J'ai vécu toute ma vie sous un régime communiste, et je peux vous dire qu'une société sans référent légal objectif est particulièrement terrible. Mais une société basée sur la lettre de la loi, et n'allant pas plus loin, échoue à déployer à son avantage le large champ des possibilités humaines. La lettre de la loi est trop froide et formelle pour avoir une influence bénéfique sur la société. Quand la vie est tout entière tissée de relations légalistes, il s'en dégage une atmosphère de médiocrité spirituelle qui paralyse les élans les plus nobles de l'homme.

Et il sera tout simplement impossible de relever les défis de notre siècle menaçant armés des seules armes d'une structure sociale légaliste.»

2 commentaires:

  1. Vous avez oublié les "normes", dans l'échafaudage des moyens du droit.
    Les normes sont une sorte de tubercule, de protubérance, que dis-je de péninsule, faisant autant d'illusions qu'il y auraient de presqu'îles et d'isthmes dans le juridisme.

    Comment il se déploie entre intérêt individuel et intérêt corporatif ou en réseau, bien avant tout intérêt public lorsque l'individu "se commet en réunion"?

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  2. On remarquera que les pays asiatiques, pas seulement la Chine, ne versent pas dans notre juridisme et pourtant se développent et je ne pense pas que les habitants en soient plus malheureux.

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