mercredi, décembre 24, 2008

Instruction : le lycée de tous les dangers

J'aimerais bien savoir ce que pensent de ce texte, copié des Echos de ce jour, les adultes, inconscients et irresponsables, à mon avis, qui encouragent et tolèrent, voire qui organisent, les «mouvements» lycéens.

Je l'ai déjà écrit : la seule activité politique à laquelle les lycéens sont assez mûrs pour participer, c'est la guerre (civile ou étrangère) en tant que chair à canon.

Comme il serait préférable d'éviter cela, leur place est au travail, avec un bon coup de pied au cul si nécessaire.


******************************
MICHEL SEGAL
Le lycée de tous les dangers
Il y a une semaine, Xavier Darcos renonçait à sa réforme du lycée, sans doute inquiet du risque d'épidémie présenté par des événements tels que le blocage répétitif d'établissements par les élèves. Au-delà de la péripétie d'une réforme avortée, c'est la question globale de l'autorité qui se pose justement dans l'institution censée l'incarner. Qu'en reste-t-il ? C'est parce que je suis enseignant dans le secondaire que je veux témoigner de la réalité d'une situation à cet égard très dégradée et qui présente un danger autrement plus inquiétant.

Ce 18 décembre au matin, un peu avant 8 heures, comme tous les jours depuis une semaine, un petit groupe d'élèves ferme la porte principale de mon établissement puis se poste à l'entrée latérale. La quinzaine de lycéens arbore des airs fiers, prend des postures militaires, porte parfois des brassards et forme une haie pour dévisager chaque élève qui se présente. Ce sont les bloqueurs, ils ont quinze ou seize ans. Ils laisseront entrer qui ils veulent et refouleront qui ne leur plaît pas. Par exemple, il leur arrive de laisser entrer les étudiants des classes préparatoires, mais d'autres fois, non. Ça dépend de leur humeur. Comme tous les enfants, et c'est bien naturel, ils sont contents de jouer aux soldats, ravis de soumettre la communauté à leur pouvoir discrétionnaire, pour une fois sans risquer de punitions. Le lycée sera-t-il fermé aujourd'hui ? y aura-t-il cours ? Il leur arrive d'être une vingtaine à décider en toute tranquillité de l'ouverture ou non d'un établissement de 1.500 élèves et de 150 enseignants. Ils mettent quelques poubelles devant la porte, se montrent entre 8 heures et 10 heures puis s'en vont. Les portes resteront fermées et les poubelles en tas toute la journée.

Jamais l'école ne m'a paru aussi efficace que dans cette forme singulière d'enseignement du mépris de la République et du droit. De fait, elle incite des adolescents à tenir ce discours : « Nous fermons le lycée quand bon nous semble et si ce droit nous est contesté, alors nous créerons des désordres. » Quant au millier d'autres, ceux respectueux de la loi qui croient donc encore à l'autorité de l'école, ils sont invités à baisser la tête et attendre. Les bloqueurs n'ont ni courage, ni imagination, ni conscience politique, et encore moins le sens de la révolte : ils font ce qu'on leur dit. Malheureusement, même à cela on ne peut leur trouver aucun mérite. Avec le temps, ils ont compris que la seule chose que les rectorats et directions d'établissement redoutent, ce sont les incidents. Autrement dit, ils savent qu'en face d'eux il n'y a rien d'autre que la peur. Ils s'imaginent prendre modèle sur les grandes gueules de Mai 68 lorsqu'ils ne reproduisent que les techniques des lieutenants de Hitler du début des années 1930 : menaces de troubles pour se faire obéir, utilisation de la faiblesse du pouvoir en place, intimidations par la terreur pour finalement parvenir à leur fin : imposer leur loi à la communauté.

Au lycée Honoré-de-Balzac à Paris, c'est chose faite. Que ce soit par le soutien de quelques enseignants complaisants et de parents nostalgiques, ou par le silence craintif et massif de tous les autres, c'est par la seule défaillance des adultes en charge de l'autorité que ces enfants sont devenus malgré eux de véritables archétypes fascistes. Lorsqu'ils sont là, en rang, pour dicter leur loi au chef d'établissement et aux autres élèves, lorsqu'il faut se glisser entre eux pour se soumettre à leur contrôle sous les yeux d'une direction navrée et impuissante qui se tient en retrait, il règne une odeur acre et pestilentielle : celle de l'oeuf du serpent.

Et qu'on ne s'y trompe pas, ces blocages n'ont absolument rien à voir avec une réforme ou une autre : autant sur un plan local que national, leur seul objectif est de contester la légitimité du pouvoir. A Balzac, la direction ayant choisi de ne pas s'opposer aux blocages, c'est devenu une simple formalité que de laisser fermer le lycée par quelques dizaines d'élèves mécontents. Au plan national, Darcos adopte la même tactique : après avoir retiré sa réforme (ce qu'il n'avait aucune raison objective de faire, à part la peur), il continue à présenter ses excuses aux lycéens qui continuent de bloquer puisque bon leur semble. Il peut maintenant promettre des états généraux ou des séminaires de réflexion sur la Lune, la partie est déjà perdue car ce qui est en jeu n'est pas une réforme, mais plutôt la question de savoir qui est le plus fort. Voici où nous en sommes : un proviseur demande aux élèves l'autorisation d'ouvrir le lycée pendant que le ministre demande aux enfants quelle éducation il doit leur donner. C'est le déni de sa propre autorité motivé par le refus de considérer les enfants et les jeunes pour ce qu'ils sont.

Pendant ce temps, les grands syndicats du secondaire fanfaronnent. Pour eux, les brigades de bloqueurs sont une aubaine car en interdisant l'entrée des lycées, ils permettent aux enseignants de faire une grève non déclarée comme telle, donc payée. Cela conduit à s'interroger sur la spontanéité et la motivation des fameux « syndicats lycéens », surtout à la lecture de leurs revendications et de leurs moyens d'action. C'est devant une promesse de troubles que le gouvernement a reculé, et pour les syndicats d'enseignants, c'est une victoire inespérée à laquelle ils ne pouvaient croire eux-mêmes, compte tenu de la faible mobilisation des personnels.

Pour l'instant donc, ils se félicitent de cette collaboration. Mais c'est encore une histoire d'apprenti sorcier qui finira mal. Cela ne prendra pas cinq ans avant que les petits frères de ces enfants-là, plus jeunes et d'humeur plus capricieuse, imposent par les mêmes méthodes leur loi là où il leur plaira. Combien de temps attendront les vautours avant de fondre maintenant sur les collèges pour fabriquer encore d'autres petites armées de « syndiqués », cette fois âgés de treize ans ? En voulant se concerter avec d'hypothétiques syndicats lycéens, puis en reculant devant eux, Xavier Darcos a pris successivement les deux attitudes à ne jamais adopter en matière d'éducation : la complaisance et la peur. Ayant renoncé à exercer son autorité, notre ministre ne saurait s'étonner de l'avoir perdue.

4 commentaires:

  1. Ah. Enfin quelqu'un qui a compris que les méthodes violentes des gauchistes et des racailles épousent exactement la stratégie d'Hitler avec ses hommes de main.

    Hélas, le mythe communiste rétrospectif dont on nous a bercés sans interruption depuis 1945 empêche la plupart des Français d'appréhender cette évidence.

    RépondreSupprimer
  2. «Hélas, le mythe communiste rétrospectif dont on nous a bercés sans interruption depuis 1945 empêche la plupart des Français d'appréhender cette évidence.»

    La littérature sur ce sujet est tellement abondante que ne se laissant prendre au mythe que ceux qui le veulent bien et ceux qui ne savent pas lire.

    Je suis d'accord, ça fait un paquet de monde.

    RépondreSupprimer
  3. Il leur arrive d'être une vingtaine à décider en toute tranquillité de l'ouverture ou non d'un établissement de 1.500 élèves et de 150 enseignants


    C'est bien. Bloqueurs et non bloqueurs sont dans le même sac. Ils construisent le monde dans lequel ils vivront.

    Plus généralement :

    Some of the best advice, in this regard, comes from James Wolcott, who tells us that "the lies the government and media tell are amplifications of the lies we tell ourselves. To stop being conned, stop conning yourself."

    RépondreSupprimer
  4. "La littérature sur ce sujet est tellement abondante que ne se laissant prendre au mythe que ceux qui le veulent bien et ceux qui ne savent pas lire."

    Houlàlà... Parce qu'il faudrait lire, en plus? Pfff...

    RépondreSupprimer